Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

fient. Quel cœur assez cruel trouvera mauvais que celui qui a rendu le plus grand des services confonde les plus noires des accusations, intentées par celui-là même dont il a dû attendre sa défense ?

Mais quelle sera sa justification ? éclatera-t-elle en plaintes ? rassemblera-t-elle quelques circonstances éparses pour en faire un corps de preuves ? Non ; il rapportera seulement une des lettres du sieur Desfontaines même, écrite en sortant de Bicêtre. Ou vient de la déposer chez un notaire : la lettre est signée, le cachet est encore entier ; c’est un chevron et trois marteaux :


« De Paris, ce 31 mai[1].

« Je n’oublierai jamais les obligations infinies que je vous ai. Votre bon cœur est bien au-dessus de votre esprit ; vous êtes l’ami le plus généreux qui ait jamais été. Que ne vous dois-je point ? ma vie doit être employée à vous en marquer ma reconnaissance ..................

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« L’abbé Nadal, l’abbé de Pons, Danchet, Fréret, se réjouissent : ils traitent ma personne comme je traiterai toujours leurs indignes écrits...........................

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Ne pourriez-vous point faire en sorte que l’ordre qui m’exile à trente lieues soit levé ? Voilà, mon cher ami, ce que je vous conjure d’obtenir encore pour moi ; je ne me recommande qu’à vous, qui seul m’avez servi, etc.......................... »

Le sieur de Voltaire ne put obtenir la révocation de l’exil ; mais il obtint que cet exil fût chez le président de Bernières, qui, avant ce temps, n’avait jamais parlé à l’abbé Desfontaines. Faut-il une autre preuve ? on a la lettre du frère du sieur Desfontaines, qui remercie en termes encore plus forts le bienfaiteur de son frère.

Je veux que M.  de Bernières eût nourri et logé M.  de Voltaire ; quelle excuse l’ingratitude y trouvera-t-elle ? Quoi ! vous vous croiriez en droit d’insulter pendant dix ans celui qui vous a sauvé, de susciter un libraire de votre pays contre lui, de le déchirer partout, de faire imprimer contre lui vingt libelles, enfin,

  1. Ce fragment de lettre est aussi dans le Mémoire sur la Satire, mais avec quelques mots de moins.