Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
561
HISTOIRE DU DOCTEUR AKAKIA.

dignes de l’être. Il y a des charlatans de toute espèce. En voici un qui a pris le nom d’un président d’une très-illustre académie, pour débiter des drogues assez singulières. Il est démontré que ce n’est pas le respectable président qui est l’auteur des livres qu’on lui attribue, car cet admirable philosophe qui a découvert que la nature agit toujours par les lois les plus simples, et qui ajoute si sagement qu’elle va toujours à l’épargne, aurait certainement épargné, au petit nombre de lecteurs capables de le lire, la peine de lire deux fois la même chose dans le livre intitulé ses Œuvres, et dans celui qu’on appelle ses Lettres. Le tiers au moins de ce volume est copié mot pour mot dans l’autre. Ce grand homme, si éloigné du charlatanisme, n’aurait point donné au public des lettres qui n’ont été écrites à personne, et surtout ne serait point tombé dans certaines petites fautes qui ne sont pardonnables qu’à un jeune homme.

Je crois, autant qu’il est possible, que ce n’est point l’intérêt de ma profession qui me fait parler ici ; mais on me pardonnera de trouver un peu fâcheux que cet écrivain traite les médecins comme ses libraires. Il prétend nous faire mourir de faim. Il ne veut pas qu’on paye les médecins, quand malheureusement le malade ne guérit point. On ne paye point, dit-il[1], un peintre qui

    du bourreau, sur la place publique, le 24 décembre 1752. Les deux grands hommes, se brouillèrent tout à fait peu après, et Voltaire quitta Berlin. Lorsqu’en 1756 il fit comprendre la Diatribe dans la Collection de ses œuvres, il la fit précéder de la Préface que voici :

    « Cette plaisanterie a été si souvent imprimée qu’on n’a pas dû l’omettre dans ce recueil. C’est un badinage innocent sur un livre ridicule du président d’une académie, lequel parut à la fin de 1752.

    C’était une chose fort extraordinaire qu’un philosophe assurât qu’il n’y a d’autre preuve de l’existence de Dieu qu’une formule d’algèbre ; que l’âme de l’homme, en s’exaltant, peut prédire l’avenir ; qu’on peut se conserver la vie trois ou quatre cents ans en se bouchant les pores. Plusieurs idées non moins étonnantes étaient prodiguées dans ce livre.

    Un mathématicien de la Haye ayant écrit contre la première de ces propositions, et ayant relevé cette erreur de mathématique, cette querelle occasionna un procès dans les formes, que le président lui intenta devant la propre académie qui dépendait de lui ; et il fit condamner son adversaire comme faussaire.

    Cette injustice souleva toute l’Europe littéraire : c’est ce qui donna occasion à la petite feuille qui suit. C’est une continuelle allusion à tous les passages du livre dont le public se moquait. On y fait d’abord parler un médecin, parce que dans ce livre il était dit qu’il ne fallait point payer son médecin quand il ne guérissait pas. »

    Cette Préface de Voltaire n’est, comme on voit, relative qu’à la Diatribe du docteur Akakia, et ne concerne nullement la collection intitulée Histoire du docteur Akakia, etc. (B.)

  1. Page 124. (Note de Voltaire.)