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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

conclut que les seuls rayons qui tombent sur la terre en un jour montent à 144,000 fois 1,000 millions de livres. Mais on pouvait s’épargner ce calcul ; il n’y avait qu’à consulter le premier bon livre de physique ou le bon sens, et on aurait vu qu’il ne s’agit ici ni de pied purement linéaire, ni de pied cubique, mais d’un pied en longueur, dont un trait de lumière fait la grosseur.

Il est très-sûr qu’il y a peu de matière propre dans tous les corps de l’univers ; il est sûr que tous les corps les plus déliés sont ceux qui en ont le moins ; que la lumière est des êtres sensibles le plus délié, le plus rare, et qu’ainsi les prétendus millions de millions de livres que le soleil nous envoie par jour peuvent aisément se réduire à deux ou trois onces, tout au plus. Voilà où conduit l’équivoque du mot linéaire, et voilà qui prouve qu’il faudrait au moins avoir des idées nettes des choses pour critiquer avec tant de hauteur et de mépris.

L’auteur des Éléments a dit que, dans le système de Descartes, nous devrions voir clair la nuit. Cela est très vrai, et cela est démontré par les lois des fluides. Si la lumière était un fluide répandu dans l’espace, et toujours existant ; s’il n’attendait que d’être pressé pour agir, il agirait en tout sens dès qu’il serait pressé : et non-seulement le soleil sous l’horizon pousserait la lumière à nos yeux, comme le son fait le tour d’une montagne pour venir à nos oreilles ; mais nous ne verrions jamais si clair que dans une éclipse centrale du soleil : car si la lune, en passant sous le soleil, presse l’atmosphère, elle presse la prétendue matière lumineuse, et cette matière lumineuse, plus pressée qu’elle n’était, doit agir davantage.

L’auteur de la Réfutation, et plusieurs autres, opposent à cette vérité des hypothèses : ils supposent qu’il faut raisonner de la lumière comme du son ; mais ce n’est pas ici qu’il est permis de dire que la nature agit toujours de la même manière. La nature n’est uniforme que dans les mêmes cas, et ici les cas sont absolument différents. Si la lumière nous venait comme le son, elle nous viendrait à travers une muraille : le son est l’effet des vibrations de l’air, qui est un élément, et la lumière est l’effet d’un autre élément.

Il ne restait à l’auteur de la Réfutation, après tant de malentendus, tant de fausses imputations, tant de fausses critiques et de reproches injustes, qu’à oser donner un petit système pour expliquer les effets de la nature, que Newton a découverts ; et c’est ce qu’on n’a pas manqué de faire.

Newton nous apprend, par exemple, et les plus obstinés sont