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SUR FRÉRON. 185

de ce temps. Il avait fait un traité avec le libraire Duchesne. Il traita sous main avec le libraire Lambert ; et, sans se mettre en peine de son marclié avec Duchesne, il ôta ces feuilles à ce der- nier. 11 y a un mémoire imprimé où Duchesne se plaint de cette friponnerie de Fréron^

Laporte, qui n'avait fait aucun traité avec Duchesne-, n'en fit aucun avec Lambert, et n'était pour rien dans tout le tripotage ; il ne connaissait pas même Lambert, lorsque Fréron fit son traité avec ce libraire. Mais comme l'abbé Laporte devait avoir le quart du produit des feuilles, il était en droit de demander à voir le nouveau traité, afin d'exiger ce quart du produit. Fréron, qui voulait le friponner, fit deux traités avec son nouveau libraire, l'un secret, et l'autre ostensible. Le premier portait qu'il recevrait cinq cents livres par cahier; l'autre ne portait que quatre cents livres. On montra ce dernier traité à l'abbé Laporte, et par là on ne lui donnait que cent francs, tandis que réellement Fréron mettait dans sa poche vingt-cinq livres qui étaient destinées à son associé. Il y a eu quarante cahiers par an : c'est donc de centpis- toles dont Laporte était lésé. Il n'a su cela qu'à la fin de l'année ; et ce fut la femme du libraire qui, quelque temps avant que de mourir, lui révéla cette friponnerie, pressée par un remords de conscience, disait-elle, qui l'empêchait de mourir tranquillement.

Dans les temps desbrouilleries de Lambert avec Fréron, Lam- bert, qui avait intérêt de faire connaître les friponneries de Fré- ron, fit un mémoire présenté à M. de Malesherbes, dans lequel ce trait était rapporté tout au long.

Les feuilles de Fréron, en passant de la boutique de Duchesne dans celle de Lambert, prirent le titre d'Année littéraire; et comme le nombre des cahiers avait augmenté', Fréron s'associa d'autres gens de lettres pour travailler avec lui, parce qu'il n'était pas en état de faire la moitié de l'ouvrage qui lui était réservé : car Laporte avait déclaré qu'il s'en tiendrait à la moitié de la besogne. Ce fut alors que le nombre des croupiers de Fréron devint très- considérable.

A l'exception de quelques injures grossières dont Fréron lar- dait les extraits qu'on lui apportait, tout était de main étrangère ;

1. Avis du libraire sur la dernière feuille des Lettres sur quelques écrits de ce temps, etc., petit in-8° de huit pages, qui se trouve quelquefois à la fin du tome XIII des Lettres sur quelques écrits de ce temps. J'en ai un exemplaire. (B.")

2. On peut interroger l'abbé Laporte et Duchesne. [Note de Voltaire.)

3. L'.4)!née littéraire formait par an huit volumes in-12. L'an 1754 n'a que sept volumes.

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