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DE L'EUROPE. 215

action ; c'étaient des chœurs qui chantaient les louanges de Dieu. Il y avait sur le théâtre beaucoup plus de pompe et d'appareil que nous n'en avons jamais vu ; la troupe bourgeoise était com- posée de plus de cent acteurs, indépendamment des assistants, des gagistes, et des machinistes. Aussi on y courait en foule, et une seule loge était louée, à l'hôtel de Bourgogne, cinquante écus pour un carême, avant même l'établissement de l'hôtel de Bourgogne. C'est ce qui se voit par les registres du parlement de Paris de l'an Ibkl.

Les prédicateurs se plaignirent que personne ne venait plus à leurs sermons, car le monologue fut en tout temps jaloux du dialogue : il s'en fallait beaucoup que les sermons fussent alors aussi décents que ces pièces de théâtre ^ Si on veut s'en con- vaincre, on n'a qu'à lire les sermons du révérend P. Codret-, et surtout aux pages 60 et 61, édition in-Zi" de Paris, 1515.

« Certaine uxor rustici, voulant amandare son mari, pour introduire un prêtre quem amabat, après vêpres détourne un veau de stabulo, et in pascua relegavit, et incitât maritum ut quœreret ; et quand le bonhomme allait cherchant le veau, bonus adulter bis aut ter rustici uxorem subegit, et re patrata discessit. Le bouvier, revenu avec son bœuf, adhœsit uxori, et toucha iter femineum, et reperit irroratum : admiratur. Rogat uxorem cur cunnus rorat, et illa respondit : « Amisso de bove plorat, » Rusticus credidit; et subinde, cum coïret, viam sensit latiorem, et dixit : H Largior est solito ; » et illa respondit : « Ridet de bove « reperto. »

Les mystères ne sont point du tout dans ce goût; quoiqu'ils en aient la naïveté, on n'y trouve aucune obscénité. Cependant, en 15/jl, le procureur général, par son réquisitoire du 9 no- vembre, prétend (article second) que « prédications sont plus décentes que mystères, attendu qu'elles se font par théologiens, gens doctes et de savoir, que ne sont les actes que font gens in- doctes ».

Sans entrer dans un plus long détail sur les mystères et sur les moralités qui leur succédèrent, il suffira de dire que les Italiens, qui les premiers donnèrent ces jeux, les quittèrent aussi les premiers : le cardinal Bibiena, le pape Léon X, l'archevêque

1. L'édition de 17G4 porte : Si on veut s'en convaincre, on n'a qu'à lire les sermons de Menot et de tous ses contemporains. Cependant en 1541, etc.»

Beuchot a expliqué dans son Avertissement, page 191 , pourquoi Voltaire fit. ce changement.

2. Au lieu de Codret, lisez ici Codrus: voyez l'Avertissement.

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