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CONVERSATION

DE

M. L’INTENDANT DES MENUS

EN EXERCICE

AVEC M. L’ABBÉ GRIZEL[1].



Il y a quelque temps qu’un jurisconsulte de l’ordre des avocats ayant été consulté par une personne de l’ordre des comédiens pour savoir à quel point on doit flétrir ceux qui ont une belle voix, des gestes nobles, du sentiment, du goût et tous les talents nécessaires pour parler en public, l’avocat examina l’affaire dans

  1. Voltaire écrivait à sa nièce, Mme  de Fontaine, le 31 mai 1761, que cette Conversation était de M. Dardelle. Des copies manuscrites en circulèrent sous le nom de Georges-Avenger Dardelle. Mais l’édition originale, en vingt-quatre pages in-12, ne porte que les noms de Georges-Avenger. Ce dernier nom est un mot anglais qui signifie vengeur. Cette édition originale et une copie manuscrite que je possède présentent un dénoûment tout différent des autres éditions, et que j’ai rétabli. Je rejette en variante la version reproduite jusqu’à ce jour, et qui date de 1764, lorsque Voltaire fit imprimer la Conversation, à la suite des Contes de Guillaume Vadé. Dans le manuscrit que je possède, le nom de l’abbé Grizel est tout au long. Dans l’imprimé de 1761, au lieu du nom sont des étoiles ou des points. Dans l’édition de 1764, et dans celles qui la suivirent, jusques et y compris 1775, le personnage est nommé l’abbé Brizel. Les éditeurs de Kehl ont rétabli le nom de Grizel. Un volume avait paru en 1761, intitulé Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’excommunication, contenant un Mémoire en forme de Dissertation sur la question de l’excommunication, que l’on prétend encourue par le seul fait d’acteurs de la Comédie-Française. L’auteur était François-Charles-Huerne de La Mothe, avocat au parlement, né à Sens, mort vers 1790. Le bâtonnier des avocats, que Voltaire, suivant son habitude d’estropier les noms propres, appelle Ledain, mais qui s’appelait Dains, demanda, le 22 avril 1761, au parlement, d’être entendu : lui mandé (ce sont les termes de l’arrêt), et entré avec plusieurs anciens avocats, ayant passé au banc du barreau du côté du greffe, il dénonça l’ouvrage, pour la discipline de l’ordre, et au nom de l’ordre : ensuite de quoi, séance tenante, le parlement condamna l’ouvrage à être lacéré et brûlé par l’exécuteur de la haute