Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/263

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un parti finissent par être écrasés, et que l’on perd toutes les prérogatives de son état pour avoir voulu s’élever au-dessus de son état. « Je me moque, reprit ce gentilhomme, de toutes leurs sottises ; j’assommerai le premier qui m’appellera infâme : je n’entends point raillerie. Maître Ledain et consorts auront affaire à moi. » Un des deux graves personnages qui avaient dîné avec nous lui dit : « Monsieur, les voies de fait sont défendues ; pourvoyez-vous devant la cour. »

N. B. Je rendrai compte incessamment de la suite de cette aventure. En attendant, je supplie instamment maître Ledain et consorts de vouloir bien me faire l’amitié de déférer cette conversation, comme manifestement contraire aux sentiments du feu curé de Saint-Médard et de celui de Saint-Leu, comme tendante insidieusement à renouveler les anciennes opinions de Cicéron qui aima tant Roscius, de César et d’Auguste qui faisaient des tragédies, de Scipion qui travaillait aux pièces de Térence, de Périclès qui fit bâtir ce beau théâtre d’Athènes, et d’autres impies et bélîtres de l’antiquité, morts sans sacrements, comme le dit le R. P. Garasse.

Je me flatte que maître Ledain, maître Braillard, maître Griffonnier, maître Phrasier, assistés de maître Abraham Chaumeix, feront brûler incessamment les ouvrages de Corneille par la main du bourreau, au bas de l’escalier du May s’il fait beau temps, et sur le perron d’en haut si nous avons de la pluie.

N. B. Si maître l’exécuteur des hautes œuvres avait pour ses honoraires un exemplaire de chaque livre qu’il a brûlé, il aurait vraiment une jolie bibliothèque.

Fait à Paris, par moi Georges Avenger Dardelle, 20 mai 1761.


fin de la conversation.