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DE JEAN .MESLIEK. 319

de leur nature ; qu'il attirait à lui les rochers, les arbres, et même que les rivières arrêtaient leur cours pour l'entendre chanter.

Enfin, pour abréger, car on en pourrait rapporter bien d'au- tres, si nos christicoles disent que les murailles de la ville de Jéricho tombèrent par le son des trompettes, les païens disent que les murailles de la ville de Thèbes furent bâties par le son des instruments de musique d'Amphion, les pierres, disent les poètes, s'étant agencées d'elles-mêmes par la douceur de son harmonie : ce qui serait encore bien plus miraculeux et plus admirable que de voir tomber des murailles par terre.

Voilà certainement une grande conformité de miracles de part et d'autre. Comme ce serait une grande sottise d'ajouter foi à ces prétendus miracles du paganisme, ce n'en est pas moins une d'en ajouter à ceux du christianisme, puisqu'ils ne viennent tous que d'un même principe d'erreur. C'était pour cela aussi que les manichéens et les ariens, qui étaient vers le commencement du christianisme, se moquaient de ces pré- tendus miracles, faits par l'invocation des saints, et blâmaient ceux qui les invoquaient après leur mort, et qui honoraient leurs reliques.

Revenons à présent à la principale fin que Dieu se serait pro- posée en envoyant son Fils au monde, qui se serait fait homme: c'aurait été, comme il est dit, d'ùter les péchés du monde, et de détruire entièrement les œuvres du prétendu démon, etc. ; c'est ce que nos christicoles soutiennent, comme aussi que Jésus- Christ aurait bien voulu mourir pour l'amour d'eux, suivant l'in- tention de Dieu son père, ce qui est clairement marqué dans tous les prétendus saints livres.

Quoi I un Dieu tout-puissant, et qui aurait voulu se faire homme mortel pour Taraour d'eux, et répandre jusqu'à la der- nière goutte de son sang pour les sauver tous, aurait voulu borner sa puissance à guérir seulement quelques maladies et quelques infirmités du corps, dans quelques infirmes qu'on lui aurait présentés, et il n'aurait pas voulu employer sa bonté di- vine à guérir toutes les infirmités de nos âmes, c'est-à-dire à guérir tous les hommes de leurs vices et de leurs dérèglements, qui sont pires que les maladies du corps! Cela n'est pas croyable. Quoi! un Dieu si bon aurait voulu miraculeusement préserver des corps morts de pourriture et de corruption, et il n'aurait pas voulu de même préserver de la contagion et de la corruption du Tice et du péché les âmes d'une infinité de personnes qu'il serait

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