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330 EXTRAIT DES SENTIMENTS

trois qui soient Dieu, puisqu'un et trois ne se peut véritablement dire d'une seule et même chose.

II est aussi dit que la première de ces prétendues personnes divines, qu'on appelle le Père, a engendré la seconde personne, qu'on appelle le Fils, et que ces deux premières personnes en- semble ont produit la troisième, que l'on appelle Saint-Esprit, et néanmoins que ces trois prétendues divines personnes ne dépen- dent point l'une de l'autre, et ne sont pas même plus anciennes l'une que l'autre. Cela est encore manifestement absurde, puis- qu'une chose ne peut recevoir son être d'une autre sans quelque dépendance de cette autre, et qu'il faut nécessairement qu'une chose soit pour qu'elle puisse donner l'être à une autre. Si donc la seconde et la troisième personne divine ont reçu leur être de la première, il faut nécessairement qu'elles dépendent, dans leur être, de cette première personne, qui leur aurait donné l'être, ou qui les aurait engendrées; et il faut nécessairement aussi que cette première, qui aurait donné l'être aux deux autres, ait été avant, puisque ce qui n'est point ne peut donner l'être à rien. D'ailleurs, il répugne et est absurde de dire qu'une chose qui aurait été engendrée ou produite n'aurait point eu de commen- cement. Or, selon nos christicoles, la seconde et la troisième per- sonne ont été engendrées ou produites : donc elles ont eu un commencement ; et si elles ont eu un commencement, et que la première personne n'eu ait point eu, comme n'ayant point été engendrée, ni produite d'aucune autre, il s'ensuit de nécessité que l'une ait été avant l'autre.

Nos christicoles , qui sentent ces absurdités et qui ne peuvent s'en parer par aucune bonne raison, n'ont point d'autre ressource que de dire qu'il faut pieusement fermer les yeux de la raison humaine, et humblement adorer de si hauts mystères sans vou- loir les comprendre; mais comme ce qu'ils appellent foi est ci- devant solidement réfutés lorsqu'ils nous disent qu'il faut se soumettre, c'est comme s'ils disaient qu'il faut aveuglément croire ce qu'on ne croit pas.

Nos déichristicoles condamnent ouvertement l'aveuglement des anciens païens qui adoraient plusieurs dieux. Ils se raillent de la généalogie de leurs dieux, de leur naissance, de leurs ma- riages, et de la génération de leurs enfants, et ils ne prennent pas garde qu'ils disent des choses beaucoup plus ridicules et plus absurdes.

1. Pau es 298-90.

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