Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/345

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dans les oreilles, et qu’ayant craché, il lui tira la langue ; puis jetant les yeux au ciel, il poussa un grand soupir et lui dit : Epheta. Enfin qu’on lise tout ce qu’on rapporte de lui, et qu’on juge s’il y a rien au monde de si ridicule.

Ayant mis sous les yeux une partie des pauvretés attribuées à Dieu par les christicoles, continuons à dire quelques mots de leurs mystères. Ils adorent un Dieu en trois personnes, ou trois personnes en un seul Dieu, et ils s’attribuent la puissance de faire des dieux de pâte et de farine, et même d’en faire tant qu’ils veulent : car, suivant leurs principes, ils n’ont qu’à dire seulement quatre paroles sur telle quantité de verres de vin, ou de ces petites images de pâte, ils en feront autant de dieux, y en eût-il des millions. Quelle folie ! avec toute la prétendue puissance de leur Christ, ils ne sauraient faire la moindre mouche, et ils croient pouvoir faire des dieux à milliers. Il faut être frappé d’un étrange aveuglement pour soutenir des choses si pitoyables, et cela sur un si vain fondement que celui des paroles équivoques d’un fanatique.

Ne voient-ils pas, ces docteurs aveuglés, que c’est ouvrir une porte spacieuse à toutes sortes d’idolâtries que de vouloir faire adorer ainsi des images de pâte, sous prétexte que des prêtres auraient le pouvoir de les consacrer et de les faire changer en dieux ? Tous les prêtres des idoles n’auraient-ils pu et ne pourraient-ils pas maintenant se vanter d’avoir un pareil caractère ?

Ne voient-ils pas aussi que les mêmes raisons qui démontrent la vanité des dieux ou des idoles de bois, de pierre, etc., que les païens adoraient, démontrent pareillement la vanité des dieux et des idoles de pâte et de farine que nos déichristicoles adorent ? Par quel endroit se moquent-ils de la fausseté des dieux des païens ? N’est-ce point parce que ce ne sont que des ouvrages de la main des hommes, des images muettes et insensibles ? Et que sont donc nos dieux, que nous tenons enfermés dans des boîtes de peur des souris?

Quelles seront donc les vaines ressources des christicoles ? Leur morale ? elle est la même au fond que dans toutes les religions ; mais des dogmes cruels en sont nés, et ont enseigné la persécution et le trouble. Leurs miracles ? mais quel peuple n’a pas les siens, et quels sages ne méprisent pas ces fables ? Leurs prophéties ? n’en a-t-on pas démontré la fausseté ? Leurs mœurs ? ne sont-elles pas souvent infâmes ? L’établissement de leur religion ? mais le fanatisme n’a-t-il pas commencé, l’intrigue n’a-t-elle pas élevé, la force n’a-t-elle pas soutenu visiblement cet