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SECONDE

LETTRE DU QUAKER[1]


Ami Jean-George,

Je t’avais fait une petite correction fraternelle[2] pour t’engager à réparer tes fautes ; mais tu ne veux que les pallier, et tu les aggraves.

Je t’avais représenté quel excès d’injustice et d’ignorance il y avait à dire que le grand philosophe Locke n’admettait nulle part l’idée positive d’un Dieu ; je t’exhortais à lire les chapitres où il traite de Dieu positivement, dans son admirable ouvrage de l’Entendement humain, et dans son Christianisme raisonnable[3].

Tu avais calomnié mi lord Shaftesbury, petit-fils du chancelier de ce nom ; tu avais pris le petit-fils pour le grand-père, et cette bévue était le fruit de ta singulière opinion que les philosophes étaient aussi des séditieux. Tu devais une réparation authentique à sa famille, à la raison, et à l’histoire.

Tes compatriotes m’avaient averti que tu faisais de scandaleux outrages à la mémoire des Montesquieu, des Fontenelle, et d’autres grands hommes.

Chacun riait de te voir citer des mathématiciens et parler de vers dans ta Pastorale aux gens du Puy en Velay. Je t’avertis charitablement, et pour réponse tu cries à l’impiété : ne valait-il pas mieux te corriger que de répondre à ton ami par des injures ?

  1. Une première Lettre d’un quaker est ci-dessus, page 5. Si la Seconde n’est pas du mois de janvier, elle est des premiers jours de février, car Voltaire en parle dans sa lettre à Damilaville, du 8 février 1764
  2. La première Lettre ci-dessus page 5.
  3. Ces deux ouvrages de Locke ont été traduits en français par P. Coste.