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U4 SECONDE LETTRE DU QUAKER.

temps trop considérable ; mais il faut observer aussi que la ca- valerie marche plus vite qu'un peuple entier, composé de vieil- lards, de femmes, et d'enfants ; que la multitude des Juifs, qui allait à plus de deux millions de personnes, ne pouvait faire de longues traites ; que probablement elle prit un long détour en allant de la terre de Gessen vis-à-vis du lac Sirbon, et en retour- nant du lac Sirbon au désert d'Éthan. Quand ils furent dans ce désert, qui est précisément à la pointe de la mer Rouge, ils re- tournèrent par l'Egypte, dont ils sortaient, et il est dit expres- sément qu'ils firent un long circuit : Circumduxit per viam dcserti^. Ils passèrent donc à la hauteur du Grand Caire, d'Héliopolis et de Memphis. Or, de Memphis à Baal-Sephon ou Clisma, qui est précisément l'endroit où la mer s'ouvrit pour eux, il y a soixante mille pas. La sainte Écriture ne nous dit point combien de temps les Juifs employèrent dans toute cette marche ; ainsi l'on est bien reçu à supposer que le pharaon d'Egypte eut le temps de faire venir de la cavalerie étrangère.

Je t'ai donné tous les moyens d'acquérir quelque intelligence; tu n'en as suivi aucun, et tu ne m'as pas seulement remercié.

��Ami Jean-George,

Je réfléchis avec douleur sur la superbe de certaines gens : voilà l'origine des fausses démarches, des mauvais vers, de la prose ampoulée qu'on donne hardiment au public. On veut passer pour bel esprit dans son village et à Paris ; et, pour y parvenir, il n'y a point de sottise qu'on ne fasse. Quand les sottises sont faites, on veut les soutenir par les calomnies, on perd la charité comme la raison ; on tombe d'abîme en abîme, ainsi que de ridicule en ridicule ; on perd son âme en se faisant moquer de soi. Ah ! mon frère, que ne puis-je aider à te convertir, à te rendre modéré et modeste comme tu dois l'être, et à te sauver des sifflets dans ce monde et de la damnation dans l'autre !

Adieu, Jean-George.

1. Exod., XIII, 18.

��FIN DE LA SECONDE LETTRE.

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