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EXTRAITS DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE. 153

vit la mort avec la tranquillité de Brutus, qu'il avait choisi pour modèle.

On a joint à la nouvelle édition que nous annonçons une Vie de Sidney, dans laquelle on trouve des particularités curieuses, et quelques-unes très-absurdes. On prétend que cet homme célèbre étant en France, et suivant un jour Louis XIV à la chasse, le roi, qui le vit monté sur un très-beau cheval, lui fit proposer de le lui vendre, et d'y mettre le prix. On ajoute que, Sidney ne vou- lant point vendre son cheval, Louis XIV donna ordre qu'on s'en emparât, et qu'on remit au maître l'argent qu'il demanderait ; mais que Sidney, indigné de cette violence, tua son cheval d'un coup de pistolet, en disant : « Mon cheval est né libre ; il a été monté par un homme libre, et ne portera jamais un roi d'es- claves. » Comment peut-on adopter un conte si extravagant? C'est là bien mal connaître les mœurs de la France, celles de la cour, et l'extrême politesse de Louis XIV ; il n'en aurait pas usé ainsi avec le dernier de ses sujets : peut-on lui supposer une grossièreté si tyrannique envers un étranger de distinction, dont le père avait été ambassadeur à sa cour ? Il n'y a que trop de mé- moires remplis d'anecdotes aussi ridicules.

��II.

(.i avril 1704.)

On mande de Leipsick qu'on se prépare à donner bientôt une traduction allemande des Considérations sur les corps organisés, par M. Bonnet, citoyen de Genève.

Cet auteur s'est proposé d'examiner dans son ouvrage com- ment se fait la reproduction des êtres végétants et animés ; nous ne croyons pas que ses Considérations puissent répandre beaucoup de jour sur cette grande et ténébreuse question, le désespoir des philosophes anciens et modernes ; mais elles décèlent du moins un esprit très-sage et très-éclairé,

i Les anciens avaient voulu deviner comme nous les secrets de la nature, mais ils n'avaient point de fil pour se guider dans les détours de ce labyrinthe immense. Le secours des micro-

I. Il est impossible de ne pas reconnaître Voltaire à la manière dont il parle ici de la préexistence des germes, en la comparant avec d'autres passages où il se moque de l'auteur de la Palingénésie lihilosophique. (Cl.)

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