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156 ARTICLES EXTRAITS

usage de son Principe mathématique de la gravitation, il aurait été bien étonné.

Un philosophe éloquent et très-éclairé^ a prétendu voir l'ori- gine de tous les corps végétants et animés dans des particules qu'il appelle organiques, et qui prennent la forme de chaque partie du corps organisé par le moyen de certains moules inté- rieurs, et se réunissent ensuite dans un réservoir commun pour former l'animal ou la plante. Mais qu'est-ce que c'est que des moules intérieurs? Comment modifient-ils la forme intérieure d'une molécule? Comment une molécule modifiée dans un moule intérieur du cerveau, par exemple, ne perd-elle pas sa première forme en passant dans une foule d'autres moules intérieurs qui se trouvent dans sa route depuis la tête jusqu'au réservoir de la semence? L'auteur a Lien senti que tout cela ne pouvait s'expli- quer par les principes mécaniques connus ; il a eu recours à cer- taines forces inconnues dont on ne peut, dit-il, se former une idée: n'est-ce pas là multiplier les obscurités?

Il semble qu'il en faille revenir à l'ancienne opinion que tous les germes furent formés à la fois par la main qui arrangea l'uni- vers ; que chaque germe contient en lui tous ceux qui doivent naître de lui, que toute génération n'est qu'un développement ; et, soit que les germes des animaux soient contenus dans les mâles ou dans les femelles, il est vraisemblable qu'ils existent dès le commencement des choses, ainsi que la terre, les mers, les éléments, les astres.

Cette idée est peut-être digne de l'éternel Artisan du monde, si quelqu'une de nos conceptions peut en être digne.

L'extrême et inconcevable petitesse des derniers germes, contenus dans celui qui leur sert connue de père, ne doit point effrayer la raison, La divisibilité de la matière à l'infini n'est pas une vérité physique, ce n'est qu'une subtilité métaphysique por- tée dans la géométrie ; mais il est vrai qu'un monde entier peut être contenu dans un grain de sable, dans la même proportion qu'existe l'univers que nous voyons. Il faudra probablement bien des siècles pour épuiser les semences enfermées les unes dans les autres, et c'est peut-être alors que, la nature étant parvenue à son dernier période, le monde où nous sommes aura une fin comme il a eu un commencement.

L'auteur des Considérations sur les corps organisés embrasse cette belle hypothèse que tout se fait par développement, et que

1. Ghailcs Bonnet.

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