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LETTRE D’UN QUAKER.

livre, où le président de Montesquieu, le bienfaiteur des hommes, est traité d’impie ? Voyons un peu ce livre. » Elle se fit donner ta pastorale ; on lui avait indiqué la page ; (page 208) elle lut et rendit l’ouvrage. « Quel est le polisson qui a fait cette rapsodie ? dit-elle. — C’est monseigneur Cortiat, secrétaire, » répondit Chaubert. Je lui dis : « Belle femme, qui es-tu ? » Elle m’apprit qu’elle était la bru du célèbre Montesquieu. « Console-toi, lui dis-je ; quiconque insulte tant de grands hommes est sûr du mépris et de la haine du public. »

Elle partit consolée ; je continuai à te feuilleter : tu parles (page 18) d’un Perrault, d’un Lamotte, d’un Terrasson, et d’un Boindin auquel tu donnes l’épithète d’athée. Je demandai à Chaubert qui étaient ces gens-là, et si Boindin a fait quelque écrit d’athéisme, comme ton frère, Simon Lefranc, en a fait un de déisme. Il me dit que ce Boindin était un magistrat qui avait fait quelques comédies, et que ni lui, ni Terrasson, ni Lamotte, ni Perrault, n’avaient jamais rien écrit sur la religion. J’avoue que je me mis alors en colère, et que je dis : Pox on the mad man ; la peste[1] soit du… J’en demande pardon à Dieu, et je t’en demande pardon, mon cher frère.

Ami Jean-George,

Tu vas de Boindin à Salomon, et tu affirmes (page 44) que l’auteur de l’Ecclésiaste a dit dans son dernier chapitre : « Tout ce qui vient de la terre, tout ce qui doit y retourner, est vanité. Il n’y a d’estimable dans l’homme que son âme, sortie immédiatement des mains de Dieu, faite pour retourner vers lui, consistant tout entière à le craindre et à le servir, et attendant de son jugement la décision de sa destinée. »

Tu n’as pas menti ; mais tu as dit la chose qui n’est pas. Ce passage n’est point dans l’Ecclésiaste : tu peux répondre, comme milord Pierre dans le conte du Tonneau, que, s’il n’y est pas totidem verbis, il y est totidem litteris ; mais réponse comique n’est pas raison valable : quand on cite l’Écriture, il faut la citer fidèlement, et ne point mêler du Pompignan à Salomon.

Tu parles ensuite contre la religion naturelle. Ah ! mon frère, tu blasphèmes ; sache que la religion naturelle est le commence-

  1. Ce n’est pas la peste, mais la vérole, que la phrase anglaise souhaite à cet homme insensé. ( B.)