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170 ARTICLES EXTRAITS

11 y a de la diirérence entre un historien fidèle et un bel esprit malin qui empoisonne tout dans un style concis et éner- gique. Le philosophe ne recueillera point les bruits populaires comme Suétone : il ne dira point que Tibère voyait clair la nuit comme le jour; il doutera qu'un prince infirme, âgé de soixante- douze ans, se retira dans Caprée uniquement pour s'y abandon- ner à des débauches monstrueuses, inconnues même à la jeu- nesse dissolue de ce temps-là, et pour lesquelles il fallut des expressions nouvelles.

Le philosophe n'est d'aucune patrie, d'aucune faction. On aimerait cà voir l'histoire des guerres de Rome et de Carthage écrite par un homme qui n'aurait été ni Carthaginois ni Romain.

Mézerai dégoûte les Français même quand il dit : « Taisez- vous, écrivains allemands ; vos histoires sentent plus le vin que l'huile, n Daniel laisse toujours trop voir de quel pays et de quelle profession il est. M. Hume, dans son Histoire, ne paraît ni par- lementaire, ni royaliste, ni anglican, ni presbytérien ; on ne découvre en lui que rhommc équitable.

On voit avec un plaisir mêlé d'horreur, dans l'Histoire de Henri VIII, ces commencements du développement de l'esprit humain qui doit un jour adoucir les mœurs, et cette ancienne férocité qui les rendait alors si atroces. L'Angleterre change de religion quatre fois sous Henri VIII, Edouard, Marie, et Elisabeth. Les parlements, qui depuis sont si jaloux de la liberté naturelle aux hommes, et qui la maintiennent avec tant#de courage et même avec tant d'excès, sont, sous Henri VIII et Marie sa fille, les lâches instruments de la barbarie. On ne voit que des gibets, des échafauds, et des bûchers. Faut-il donc qu'on ait passé par de tels degrés pour arriver au temps où les Locke ont approfondi l'entendement humain, où les Newton ont développé les lois de la nature, et où les Anglais ont embrassé le commerce des quatre parties du monde?

Quelles scènes présentent les temps de Henri VIII, du jeune Edouard, et de Marie ! Henri VIII, ainsi que ses prédécesseurs, s'est soumis longtemps au pouvoir de la cour de Rome ; il ne se sépare d'elle que parce qu'il est amoureux S et parce que le pape Clément VII, intimidé par Charles-Quint, ne veut pas favoriser son amour. Ce même prince fait brûler d'un côté tous ceux qui

��1. Cet événement fameux est développé avec beaucoup de finesse et de sagacité dans VHistoire du divorce de Henri VIII, par M. l'abbé Raynal. (Note des auteurs de la Gazette littéraire.)

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