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LETTRE D’UN QUAKER.

s’ouvrit en leur faveur, ils étaient poursuivis par la cavalerie égyptienne tandis que tous les chevaux étaient morts dans la cinquième plaie.

C’était un beau champ, pour un homme profond dans l’antiquité, de faire connaître les secrets de la magie, d’expliquer par quel art les mages de Pharaon égalèrent par leurs prestiges les miracles de Moïse, et comment ils changèrent en sang les eaux du Nil, que Moïse avait déjà transformées en un fleuve de sang. C’est ce que le docteur Stillingfleet a su approfondir. Tu vois bien encore une fois que les Anglais ne sont pas si méprisables.

Tu aurais appris chez notre savant Sherlock[1] la raison évidente pour laquelle Dieu fit arrêter le soleil dans sa carrière vers l’heure de midi, pour achever la défaite des Amorrhéens, et pourquoi presque tous les grands miracles de ce temps-là n’étaient opérés que pour exterminer les hommes ; pourquoi, malgré tous ces miracles, le peuple juif fut malheureux et esclave si souvent et si longtemps.

Il était essentiel de réfuter ceux qui, pour prouver que le Pentateuque ne fut pas connu avant Esdras, avancent qu’aucun passage de ce Pentateuque ne se trouve cité, ni dans les prophètes, ni dans l’histoire des rois juifs[2] ; qu’il n’y est jamais parlé, ni du Beresith, ni du Veellé Shemot, ni du Vaïcra, ni du Veiedabber, ni de l’Addebarim. Tu prends ces noms pour des mots tirés du Grimoire ; ce sont les titres de la Genèse, de l’Exode, du Lévitique, des Nombres, du Deutéronome.

Comment ces livres sacrés n’auraient-ils pas été mille fois cités s’ils avaient été connus ? C’est une difficulté à laquelle l’évêque de Sarum[3] répond très-savamment.

Un devoir non moins indispensable était de montrer que tous les livres sacrés de la nation judaïque étaient nécessaires au monde entier : car comment Dieu aurait-il inspiré des livres inutiles ? Et si tous ces livres étaient nécessaires, comment y en a-t-il eu de perdus ? Comment y en aurait-il de falsifiés ?

Dieu aurait-il voulu que l’évangile selon saint Matthieu dît au chap. ii[4] : Jésus habita à Nazareth, afin que cette parole du pro-

  1. 1678-1761. Auteur d’un Traité de l’usage et des fins des prophéties. C’est sous le nom de Sherlock que Voltaire a donné l’Histoire de Jenni.
  2. Ces mots du verset 24 du chapitre xxix du Deutéronome : Quare sic fecit Dominus terræ huic, se retrouvent ainsi au verset 8 du chapitre ix du 3e livre des Rois : Quare fecit Dominus sic terrœ huic ; mais c’est le seul passage du Pentateuque qui soit transcrit dans les quatre livres des Rois.
  3. Pour Salisbury, dont Sherlock fut évêque.
  4. Verset 28.