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PAR ANTOINE VADÉ. 245

Non-seulement l'Arioste a le mérite de l'invention, mais il a jeté ces petites aventures dans un long poëme, où elles sont racontées à propos. Le style en est toujours pur; aucune longueur, aucune faute contre la langue, points d'ornements étrangers. Enfin il est peintre, et très-grand peintre : c'est là le premier mérite de la poésie, et c'est ce que La Fontaine a négligé. Voyez, dans le Joconde de l'Arioste, ce jeune Grec qui vient trouver la Fiammetta dans son lit, tandis qu'elle est couchée entre le roi Astolplie et Joconde,

Viene ail' uscio, e lo spinge; e quel gli cède; Entra pian piano, e va a tenton col piede.

Fa lunghi i passi, e sempre in quel di dietro Tutto si ferma, e 1' altro par che muova A guisa che di dar tenia nel vetro Non clie'l terreno abbia a calcar, ma l'uova; E lien la mano innanzi simil métro, Va brancolando in fin che'l letto trova; E di là dove gli allri avean le piante, Tacito si cacciô col capo innante.

(C. XXVIII, st. G-2-03.)

Il est étrange que votre Boileau, dans son jugement sur le Joconde de l'Arioste et sur celui de La Fontaine, reproche à l'au- teur italien certaines familiarités : il ne songe pas que c'est un hôtelier qui parle ; chacun doit garder son caractère. L'Arioste, en observant ce costume, ne laisse échapper aucun mot qui ne soit du toscan le plus pur : mérite prodigieux dans un ouvrage de si longue haleine, écrit tout entier en stances dont les rimes sont redoublées.

C'est trop vous parler peut-être de ce petit genre qui, tout petit qu'il est, contribue pourtant à la gloire des lettres : « In tenui labor, at tennis non gloria. »

Je m'étendrais sur le mérite supérieur de votre théâtre, au- quel il ne manque que d'être assez tragique, si ce sujet n'avait pas été traité tant de fois.

J'imagine qu'Euripide serait honteux de sa gloire, qu'il irait se cacher, s'il voyait la Phèdre et Ylphigènie de Racine. Les tra- gédies de Racine et plusieurs scènes de Corneille sont ce que vous avez de plus beau dans votre langue. Plus d'une scène de Quinault est admirable dans un genre que l'antiquité ne connut pas plus que celui des Contes de La Fontaine. Votre Molière

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