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288 DOUTES SUR LE TESTAMENT

tout ? Enfin si tout le testament était du cardinal, pourquoi n'était- il pas signé de sa main ?

Accordons que la petite note si vous reperdez Aire est du car- dinal ; qu'en pouvez-vous conclure ? qu'il est physiquement im- possible que le cardinal ait ni fait ni dicté depuis le prétendu Testament politique. Aire avait été prise par le maréchal de La Meil- leraie le 27 juillet 16/il ; elle fut reprise par les Espagnols la même année, le 26 auguste (que nous appelons le mois d'août par cor- ruption): donc ce ne fut que depuis la fin de juillet 1641 que le cardinal put écrire ou faire écrire le prétendu testament à la suite de la Narration succincte. Et cependant on le fait parler dans son prétendu testament tantôt en 16^0, tantôt en 1638.

Il avait ce dessein, je le veux; il dit à M. de Montchal, arche- vêque de Toulouse, son ennemi, en le trompant et en répandant des larmes S qu'il voulait ressembler à l'empereur Auguste : à la bonne heure. Auguste avait fait rédiger un état des forces de l'empire, des finances, des légions, des frontières, des voisins de l'empire, comme les Germains septentrionaux, les Daces, lesPar- thes, etc. Il n'est point de prince d'Allemagne qui n'ait un pareil mémoire raisonné dans son cabinet : c'est ce que le cardinal vou- lait et devait faire, et c'est assurément ce qu'on ne trouve pas dans le Testament politique. Il ne put en avoir le temps depuis le mois d'août 1641 ; ce fut alors que la conspiration du grand écuyer Cinq-Mars commença à se tramer contre lui ; il n'eut dès lors aucun moment de repos ; sa santé s'altéra, et ce ministre au bord de son tombeau, faisant couler le sang sur les échafauds, n'eut pas sans doute le loisir d'imiter Auguste.

Mais que devint donc cette note qu'on croit écrite de sa main à la fin de la Narration succincte, qui est suivie des projets de l'abbé de Bourzeis, pour ôter le droit de régale au roi de France , pour faire payer la taille aux parlements, et pour enrôler la noblesse par force ? Cette note s'explique d'elle-même, et en voici le sens naturel.

a J'ai eu à peine le temps, monsieur l'abbé, de parcourir la narration succincte que vous avez faite en mon nom pour me flatter ; vous ne deviez pas dire que « dès que j'entrai au conseil, « en 1624, par la faveur de la reine mère, je promis au roi (( d'employer toute mon industrie et toute mon autorité pour rui- (( ner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands, et relever (c son nom »: premièrement, parce qu'un tel discours est rempli

1. Mémoires de Montchal, pages 202 et 216. {Note de Voltaire.)

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