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298 DOUTES SUR LE TESTAMENT

intitulé Politique tirée de l'Écriture sainte; mais ce suljlime écri- vain aurait bien négligé toute décence s'il avait fait un tel ou- vrage pour l'usage de Louis XIV. Vous savez mieux qu'un autre, monsieur, comment il faut parler aux jeunes princes et aux princes d'un âge mûr; et, dans le fond de votre cœur, vous sentez encore mieux que moi les prodigieuses disparates que j'ai observées, et l'extrême inconvenance de dire à un prince qui règne depuis trente-six ans ce qu'on dirait à peine à un enfant qu'on élève, et surtout ce qu'il ne faudrait pas lui dire dans un style prolixe et rebutant.

��QUESTION IMPORTANTE.

Imaginons que Louis XIV, après les batailles d'Hocbstedt, de Ramillies, d'Oudenarde, de Turin, manquant d'argent, ayant peine à recruter ses armées, demanda au maréchal de Villars un plan qui pût remédier aux maux présents de la France. Croyez- vous de bonne foi qu'alors le maréchal de Villars, prêt à partir pour aller en campagne, eût dit au roi : « Sire, il faut commencer par restreindre les appels comme d'abus ; toute contravention à la pragmatique a été estimée cas privilégié ; vous avez tort de prétendre le droit de régale dans certains diocèses : il faut an- nexer à la Sainte-Chapelle une abbaye ; il ne faut pas croire les gens de Palais, qui jugent de la puissance du roi par la forme de sa couronne, qui, étant ronde, n'a point de fin ; les universités prétendent qu'on leur fait un tort extrême de ne leur pas laisser, priva tivement ù tous autres, la faculté d'enseigner la jeunesse.

(( L'histoire de Benoît XI contre les cordeliers, qui, piqués sur le sujet de la perfection de la pauvreté, savoir, des revenus de saint François, s'animèrent à un tel point qu'ils lui firent ouverte- ment la guerre par leurs livres, etc.

« Je vous apprends que les meilleurs princes ont besoin d'un bon conseil : je vous apprends qu'un prince capable est un grand trésor dans un État, et que beaucoup de qualités sont requises pour faire un conseiller d'État parfait. Je vous apprends qu'un conseiller d'État doit être un honnête homme; et voici sept grands paragraphes où je parle des grands conseillers d'État, sans dire un seul mot du fait dont il s'agit».

(( Il est question, sire, d'empêcher les ennemis de venir à Paris ; mais n'en parlons point. Apprenez, à votre âge, que le

1. L'abbé de Bourzeis avait le titre de conseiller d'État. (A'ofe de Voltaire.)

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