Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/358

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que le fils de l’homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir[1].

Ce sont, mes frères, les propres paroles émanées de la bouche de notre divin Sauveur, paroles sacrées dont le sens clair et naturel ne pourra jamais être perverti, ni par aucune usurpation, ni par aucune citation tronquée et captieuse d’un texte malignement interprété.

Notre Seigneur Jésus-Christ donna puissance à ses disciples : quelle fut cette puissance ? Celle de chasser les démons des corps des possédés, de manier les serpents impunément, de parler plusieurs langues à la fois sans les avoir apprises, de guérir les malades, ou par leur ombre, ou en leur imposant les mains.

Nos papas grecs, africains, égyptiens, qui fondèrent seuls l’Église chrétienne, qui seuls écrivaient dans les premiers siècles, qui seuls furent appelés Pères de l’Église, perdirent cette puissance, et ne prétendirent point la remplacer par des honneurs, par un crédit, par des richesses, par une ambition que la religion condamne et que le monde abhorre.

Aucun évêque parmi nous ne s’intitula prince ou comte ; aucun ne prétendit d’autre puissance que celle d’exhorter les pécheurs, et de prier Dieu pour eux. Quand quelque patriarche voulut abuser de sa place, et lutter contre le trône, il fut sévèrement puni, et tout l’empire approuva son châtiment.

On sait qu’il n’en fut pas ainsi dans l’Église d’Occident ; elle ne s’était formée que très-longtemps après la nôtre : nos Évangiles grecs, écrits dans Alexandrie et dans Antioche, furent à peine connus de ces barbares ; ils en firent enfin une assez mauvaise traduction dans le temps de la décadence de la langue latine ; mais d’ailleurs, comme nous l’avons déjà remarqué[2], il n’y eut aucun Père de l’Église né à Rome.

Ils suppléèrent à leur ignorance par des contes absurdes, qu’ils firent croire aisément à des peuples aussi absurdes qu’eux. Ne pouvant se faire valoir par leur science, ils supposèrent que l’apôtre Pierre, dont la mission était uniquement pour les Juifs, avait trahi sa vocation pour aller à Rome.

Voyez, mes frères, sur quels fondements ils bâtirent cette fable. Il y eut, disent-ils, dès le premier siècle, un nommé Abdias qui prétendit être évêque secret des premiers chrétiens à Babylone, quoiqu’il soit avéré que ce ne fut qu’au second siècle qu’il y

  1. Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45.
  2. Tome XI, page 254 ; voyez aussi tome XVIII, page 502.