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MANDEMENT

Dès ce moment, quelle foule d’usurpations, de meurtres, de sacrilèges, et de guerres civiles ! Est-il un royaume, depuis le Danemark jusqu’au Portugal, dont les papes n’aient prétendu disposer plus d’une fois ? Qui ne sait que l’empereur Henri IV fut forcé de demander pardon[1] pieds nus et à genoux, à l’évêque de Rome Grégoire VII ; qu’il mourut détrôné et réduit à l’indigence ; que son fils Henri V fit déterrer le corps de son père comme celui d’un excommunié, et qu’ayant osé enfin soutenir ses droits contre Rome il fut obligé de céder, de peur d’être traité comme son père ?

Les malheurs des empereurs Frédéric Barberousse et Frédéric II sont connus de toute la terre. Sept rois de France excommuniés, deux morts assassinés[2], sont d’effroyables exemples qui doivent instruire tous les princes. Un des meilleurs rois qu’aient eus les Franks est Louis XII ; que n’essuya-t-il pas de ce pape Alexandre VI, de ce vicaire de Jésus-Christ, qui, environné de sa maîtresse et de ses cinq bâtards, faisait mourir par le poison, par le poignard, ou par la corde, vingt seigneurs dont il ravissait le patrimoine, et leur donnait encore l’absolution à l’article de la mort !

Nous faisons gloire de n’être pas d’une communion souillée de tant de crimes. Dieu nous préserve surtout de nous élever jamais contre la jurisprudence de notre chère patrie et contre le trône ! Nous regardons comme notre premier devoir d’être entièrement soumis à nos augustes souverains : ces seuls mots les deux puissances nous paraissent le cri de la rébellion.

Nous adhérons aux maximes du parlement de France, qui, comme notre sénat, ne reconnaît qu’une seule puissance fondée sur les lois. Nous plaignons les malheurs et les troubles intestins où la France a été plongée depuis près de soixante ans par trois moines jésuites. Nous sommes assez instruit de l’histoire de nos alliés les Franks pour savoir que ces trois jésuites, Le Tellier, Doucin et Lallemand, fabriquèrent dans Paris, au collège de Louis le Grand, une bulle dans laquelle le pape devait condamner cent trois passages tirés pour la plupart de nos saints Pères, et surtout de saint Augustin l’Africain, et de saint Paul de Tarsis, apôtre de Jésus, Nous savons que l’évêque de Rome et son consistoire, pour faire accroire qu’ils avaient jugé en connaissance de cause, retranchèrent deux propositions condamnées, et réduisirent le tout à cent et un anathèmes.

  1. Voyez tome XI, pages 391-392,
  2. Voyez la note sur le Discours aux Welches, page 232.