Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/361

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Nous n’ignorons pas que le nonce qui fit recevoir cette bulle en France[1], malgré les cris de toute la nation indignée, prit pour maîtresse une actrice de l’Opéra, qu’on appela la Constitution, et qu’il en eut une fille qu’on appela la Légende.

Nous savons que presque toutes les affaires ecclésiastiques se sont ainsi traitées, et que quand le scandale des mauvaises mœurs ne s’est pas joint aux erreurs de cette Église latine, le fanatisme, mille fois plus dangereux que les filles de l’Opéra, a fait naître plus de troubles que tous les bâtards des papes et des nonces n’en ont jamais produit.

Nous avons été instruit de tout le mal qui a résulté de la détestable invention des billets de confession, et de tout le bien qu’a fait la chrétienne et vigoureuse résistance du parlement de Paris. Quoique nous ne soyons pas de la communion de l’Église gallicane, cependant, en qualité de chrétien indépendant de l’usurpation romaine, nous nous unissons à cette Église gallicane pour l’exhorter à nous imiter, à soutenir ses libertés, à ne pas souffrir que jamais un évêque transalpin ose déléguer des juges chez elle.

Puissent ses évêques ne plus s’avilir jusqu’à s’intituler évêques par la grâce d’un évêque transalpin, ne plus payer en tribut à cet Italien la première année d’un revenu qu’ils ne tiennent que de la libéralité de leur monarque[2] !

Grand Dieu ! seriez-vous descendu sur la terre, y auriez-vous vécu dans la pauvreté, l’auriez-vous recommandée à vos apôtres, l’auraient-ils embrassée, pour qu’un de leurs successeurs traitât ses confrères en tributaires et marchât sur les têtes des princes, à qui vous obéissiez, vous, mon Dieu ! quand vous étiez en Judée ?

Nous reconnaissons que le parlement de Paris, et tous ceux du pays des Franks, se sont toujours opposés à ces innovations odieuses, à ces simonies transalpines, qui ont leur source dans le fatal système des deux puissances.

Nous devons d’autant plus, mes frères, vous donner un préservatif contre ces opinions détestables que nous sommes instruit des fréquents voyages que nos seigneurs russes font dans la capitale des Franks[3] : ils pourraient nous apporter la mode des deux puissances et des billets de confession, avec les autres modes.

Nous vous exhortons à ne vous laisser séduire par aucune

  1. Le cardinal Bentivoglio ; voyez tome XIX, page 317.
  2. Les annales.
  3. Schouvaloff était alors à Ferney.