Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/373

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tiens leurs miracles, et qu’ils leur disaient seulement : Si vous vous vantez de vos prodiges, nos dieux en ont fait cent fois davantage ; si vous avez quelques oracles en Judée, l’Europe et l’Asie en sont remplis ; si vous avez eu quelques métamorphoses, nous en avons mille ; vos prestiges ne sont qu’une faible imitation des nôtres ; nous avons été les premiers charlatans, et vous les derniers. C’est là, continuent nos adversaires, le résultat de toutes les disputes des païens et des chrétiens. Ils concluent, en un mot, qu’il n’y a jamais eu de miracles, et que la nature a toujours été la même.

Nous leur répondons qu’il ne faut pas juger de ce qui se faisait autrefois par ce qu’on fait aujourd’hui : les miracles étaient nécessaires à l’Église naissante, ils ne le sont pas à l’Église établie ; Dieu étant parmi les hommes devait agir en Dieu : les miracles sont pour lui des actions ordinaires ; le maître de la nature doit toujours être au-dessus de la nature. Ainsi, depuis qu’il se choisit un peuple, toute sa conduite avec ce peuple fut miraculeuse ; et quand il voulut établir une nouvelle religion, il dut l’établir par de nouveaux miracles.

Loin que ces miracles rapportés par les Juifs et par les chrétiens aient été des imitations du paganisme, ce sont au contraire les païens qui ont voulu imiter les miracles des Juifs et des chrétiens.

Nos adversaires répliquent que les païens existaient longtemps avant les Juifs ; que les royaumes de Chaldée, de l’Inde, de l’Égypte, florissaient avant que les Juifs habitassent les déserts de Sin et d’Horeb ; que ces Juifs, qui empruntèrent des Égyptiens la circoncision et tant de cérémonies, et qui n’eurent des voyants, des prophètes, qu’après les voyants d’Égypte, empruntèrent aussi leurs miracles. Enfin, ils font des Juifs un peuple très-nouveau. Ils auraient raison si on ne pouvait remonter qu’à Moïse ; mais de Moïse nous remontons à Abraham et à Noé par une suite continue de miracles.

Les incrédules ne se rendent pas encore : ils disent qu’il n’est pas possible que Dieu ait fait de plus grands miracles pour établir la religion juive dans un coin du monde que pour établir le christianisme dans le monde entier. Selon eux, il est indigne de Dieu de former un culte pour en donner un autre ; et si le second culte vaut mieux que le premier, il est encore indigne de Dieu de ne fortifier son second culte que par de petites merveilles, après qu’il a fondé le premier sur les plus grands prodiges. Des possédés délivrés, de l’eau changée en vin, un figuier séché,