Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/414

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On prétend que je me suis transfiguré en laïque et en Genevois, et que, par cette métamorphose, j’ai prétendu avilir le miracle de la transfiguration sur le Thabor. À Dieu ne plaise ! j’ai une trop haute opinion de ce miracle et de moi-même, et je veux enseigner à monsieur le proposant ce que c’est que ce miracle dont il parle avec une légèreté qu’on ne me reprochera jamais.

La transfiguration est sans doute ce que nous avons de plus respectable après la transsubstantiation. J’ose même dire que c’est de la transfiguration que dépend notre salut : car si un pécheur, un faiseur de parodies, ne se transfigure pas en homme de bien, il est perdu ; et voici comme je le prouve :

Jésus se transfigura sur une haute montagne ; les uns disent que c’est sur le mont Hermon, les autres sur le Thabor. Ses habits parurent tout blancs, et son visage très-resplendissant : donc il faut qu’un homme qui fait des prodiges ait un large visage, haut en couleur, et un bel habit tout blanc ; ce qu’il fallait démontrer.

Le proposant ne convient pas de cette vérité, et il dit qu’on peut être honnête homme avec un habit brun un peu sale. Il a ses raisons pour penser ainsi ; mais quand il s’agit du salut, il faut y regarder de près.

Je poursuis donc, et je dis qu’il est vrai que l’habit ne fait pas le moine ; mais, comme je l’ai prouvé ci-dessus, l’habit est la figure de l’âme. Le vin de Cana était rouge, et les habits de la transfiguration blancs ; or, le blanc signifiant la candeur, et le rouge étant la couleur du zèle, il est clair que si vous unissez ensemble ces deux couleurs vous avez un rouge tirant sur le jaune : donc les miracles sont très-possibles ; donc ils sont non-seulement possibles, mais ils sont très-réels ; donc M. Covelle a tort. Saint Denis emportant sa tête entre ses bras était habillé de blanc, puisqu’il avait son surplis : or le sang de sa tête et de son cou étant rouge, vous sentez bien qu’il n’y a rien à me répliquer.

Je sais que les prétendus esprits forts, les soi-disant philosophes ont d’autres opinions. Ils demandent à quoi servit la transfiguration sur le Thabor ou sur le mont Hermon, quel bien il en revint à l’empire romain, et ce que firent Moïse et Élie sur cette montagne. D’abord je répondrai qu’Élie n’était pas mort, et qu’il pouvait aller où il voulait ; ensuite je dirai qu’il est clair que Moïse ressuscita pour venir faire conversation, comme je l’ai prouvé ci-dessus, et qu’il remourut ensuite, comme je le prouve ci-dessous.

Ce n’est pas tout, il faut approfondir la chose : je dis premiè-