Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/424

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rend bons citoyens. Qu’est-ce en effet que d’être libres ? C’est raisonner juste, c’est connaître les droits de l’homme ; et quand on les connaît bien, on les défend de même.

Remarquez que les nations les plus esclaves ont toujours été celles qui ont été le plus dépourvues de lumières[1]. Adieu, monsieur ; je vous recommande la vérité, la liberté et la vertu, trois seules choses pour lesquelles on doive aimer la vie.


DOUZIÈME LETTRE.

du proposant à m. covelle, citoyen de genève[2].

Mon cher monsieur Covelle, si Son Excellence monsieur le comte n’est pas persuadé de l’authenticité de nos miracles, en récompense madame la comtesse avait une foi qui était bien consolante. J’ai eu l’agrément de lire quelquefois saint Matthieu avec elle, quand monseigneur lisait Cicéron, Virgile, Épictète, Horace ou Marc Antonin, dans son cabinet. Nous en étions un jour à ces paroles du chapitre xvii :

« Je vous dis, en vérité, que quand vous aurez de la foi gros comme un grain de moutarde, vous direz à une montagne : Range-toi de là, et aussitôt la montagne se transportera de sa place. »

Ces paroles excitèrent la curiosité et le zèle de madame. « Voilà une belle occasion, me dit-elle, de convertir monsieur mon mari ; nous avons ici près une montagne qui nous cache la plus belle vue du monde ; vous avez de la foi plus qu’il n’y en a dans toute la

  1. Outre les chapitres des trois évangélistes si favorables aux lumières, voici ce que dit saint Paul, chapitres iv et v de son Epître aux Galates, relativement à la liberté : « Nous ne sommes point les enfants de l’esclave… et c’est Jésus-Christ qui nous a acquis cette liberté. Demeurez dans cet état de liberté, et ne vous remettez point sous le joug de la servitude. »
  2. Dans la huitième partie des Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, la quatrième section de l’article Miracles se composait, comme je l’ai dit (tome XX, page 82), du commencement de cette douzième lettre, et était intitulée « Miracles modernes, section 4e, tirée d’une lettre déjà imprimée de M. Théro, aumônier de M. le comte de Benting, contre les miracles des convulsionnaires. Nous n’aurions jamais osé réimprimer cette plaisanterie sur les miracles modernes, si un grand prince n’avait voulu absolument qu’on l’imprimât, comme une chose très-innocente qui ne fait aucun tort aux miracles anciens, et qui délasse l’esprit sans intéresser la foi. Cependant nous déclarons que nous n’approuvons point du tout cette plaisanterie. » (B.)

    — Il y avait à Berlin, lors du séjour de Voltaire auprès du roi de Prusse, une comtesse de Bentinck, qui était à la fois amie de Voltaire et protectrice de La Beaumelle. Est-ce le mari de cette dame que Voltaire nomme ici ? (G. A.)