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LE PRÉSIDENT DE THOU


depuis suscita contre lui tant d’ennemis, et fut pour eux un prétexte si spécieux, qu’il est impossible de se faire une idée nette des traverses qu’il essuya, quand on omet ce qui en a été le principe ; c’est pécher contre la principale loi de l’histoire. Il est vrai que, quarante pages après[1], il dit un mot qui suppose cette abjuration de Henri IV ; mais un mot qui n’est pas à sa place ne suffit pas :

Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici.

(Hor., de Arte poet.)

Je passe bien des fautes de cette espèce pour arriver à la mort du prince Henri de Condé en 1588. On ne trouve que cinq ou six lignes sur ce fatal événement[2]. Henri IV, alors roi de Navarre, n’était qu’à quelques lieues de Saint-Jean-d’Angely, où le prince Henri de Condé était mort. Les lettres qu’il écrivit sur cette mort sont un des plus précieux monuments de l’histoire ; elles sont connues, elles sont authentiques[3] : je les transcrirais ici si elles n’étaient pas imprimées dans le tome XVIII de cette édition, pages 157 et suivantes.

Ce sont là des monuments précieux, absolument nécessaires à un historien qui doit s’instruire avant que d’instruire le public. Ce n’est pas la peine de répéter des faits rebattus, et de transcrire sans choix les mémoires composés par les secrétaires du duc de Sully, et trop corrigés par l’abbé de L’Écluse[4]. Qui n’a rien de nouveau à dire doit se taire, ou du moins se faire pardonner son inutilité par son éloquence.

Il faut surtout, quand on répète, ne se pas tromper : l’exactitude doit venir au secours de la stérilité.

L’auteur s’exprime ainsi sur le prince Casimir, qui vint plusieurs fois faire la guerre en France : « On donna[5] au prince Casimir, pour le renvoyer dans ses États, une satisfaction tant en argent qu’en présents. »

  1. Page 93.
  2. Page 195.
  3. Dans l’édition originale on lit ici : « On en a déjà imprimé quelques-unes, je transcrirai ici les principales, puisque l’auteur de la Vie de Henri IV n’en rapporte pas un seul mot. »

    Et Voltaire transcrivait ici les lettres 2, 3 et 4 (qu’on peut voir au tome XII, pages 564-66). Mais les ayant, en 1769, dans son édition in-4o, reproduites, avec six autres, à la fin du chapitre clxxiv de l’Essai sur les Mœurs, il fit ici des changements et mit la version actuelle. (B.)

  4. Voyez tome XIV, page 47 ; et XV, 561.
  5. Page 96.