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JUSTIFIÉ.


et surtout dans le discours[1] « des choses plus notables arrivées au siége de Paris, et la défense de cette ville par monseigneur le duc de Nemours contre le roi de Navarre ». N’est-il pas bien évident que Henri IV ne voulut pas changer tant qu’il espéra de se rendre maître de la ville ; et qu’il changea enfin lorsque le duc de Parme eut fait lever le siége ? Il faut avouer que le duc de Parme fut son véritable convertisseur. La vérité doit l’emporter sur les subterfuges du jésuite Daniel.

M. de Bury ne se trompe pas moins en disant[2] que « le cardinal Tolet fut celui auquel Henri eut le plus d’obligation de l’absolution du pape ». C’est sans doute à son épée et à la dextérité du cardinal d’Ossat que ce héros en eut toute l’obligation, et non pas à un jésuite espagnol qui servit fort peu dans cette affaire, et qui n’employa son faible crédit que dans la vue d’obtenir le rappel des jésuites, chassés alors de France par arrêt du parlement. Car l’absolution inutile et arrachée au pape Clément VIII est du 17 septembre 1595, et le bannissement des jésuites est du 29 décembre 1594.

Remarquez que je dis ici absolution inutile, parce que Henri IV avait été absous par les évêques de son royaume ; parce qu’il était absous par Dieu même ; parce que la prétention du pape que Henri ne pouvait être légitime possesseur de son royaume que sous le bon plaisir ultramontain était la prétention la plus absurde et la plus attentatoire à tous les droits d’un souverain, et à tous ceux des nations.

N’est-on pas un peu révolté quand on voit que M. de Bury ne parle pas seulement de la clause qui fut insérée un mois entier dans l’absolution donnée par le pape Clément VIII : « Nous réhabilitons Henri dans sa royauté. »

Certes ce ne fut pas le cardinal Tolet qui fit rayer cette formule criminelle, digne tout au plus de Grégoire VII ou de Boniface VIII, et dont la seule lecture nous saisit d’indignation. « Nous réhabilitons Henri dans sa royauté ! » Quoi ! un évêque de Rome se croit en droit de donner et d’ôter les royaumes ! et l’Europe

  1. Il s’agit sans doute du Discours bref et véritable des choses plus notables arrivées au siége mémorable de la renommée ville de Paris, et défense d’icelle par monseigneur le duc de Nemours, contre le roi de Navarre, par Pierre Corneio, ligueur ; Paris, Millot, 1590, in-8o. Ce Discours a été réimprimé dans les Mémoires de la Ligue (Amsterdam, 1758), IV, 276-303. L’auteur y rapporte en deux endroits (pages 287 et 294) le propos attribué à Henri IV au sujet de sa religion. (B.)
  2. Tome II, page 432.