Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/533

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
523
SUR LES CALAS ET LES SIRVEN.


homme qui écrirait un pareil ouvrage ; mais alors tous les autres juges étaient aussi cruellement insensés que lui. Chaque province eut un pareil registre. Enfin, lorsque la philosophie a commencé à éclairer un peu les hommes, on a cessé de poursuivre les sorciers, et ils ont disparu de la terre.

DES PARRICIDES.

J’ose dire qu’il en est ainsi des parricides. Que les juges du Languedoc cessent de croire légèrement que tout père de famille protestant commence par assassiner ses enfants dès qu’il soupçonne qu’ils ont quelque penchant pour la créance romaine, et alors il n’y aura plus de procès de parricides. Ce crime est encore plus rare en effet que celui de faire un pacte avec le diable : car il se peut que des femmes imbéciles, à qui leur curé aura fait accroire dans son prône qu’on peut aller coucher avec un bouc au sabbat conçoivent par ce prône même l’envie d’aller au sabbat, et d’y coucher avec un bouc. Il est dans la nature que, s’étant frottées d’onguent, elles rêvent pendant la nuit qu’elles ont eu les faveurs du diable ; mais il n’est pas dans la nature que les pères et les mères égorgent leurs enfants pour plaire à Dieu, et cependant si l’on continuait à soupçonner qu’il est ordinaire aux protestants d’assassiner leurs enfants de peur qu’ils ne se fassent catholiques, on leur rendrait enfin la religion catholique si odieuse qu’on pourrait venir à bout d’étouffer la nature dans quelques malheureux pères fanatiques, et leur donner la tentation de commettre le crime qu’on suppose si légèrement.

Un auteur italien rapporte qu’en Calabre un moine s’avisa d’aller prêcher de village en village contre la bestialité, et en fit des peintures si vives qu’il se trouva, trois mois après, plus de cinquante femmes accusées de cette horreur.

LA TOLÉRANCE PEUT SEULE RENDRE LA SOCIÉTÉ SUPPORTABLE.

C’est une passion bien terrible que cet orgueil qui veut forcer les hommes à penser comme nous ; mais n’est-ce pas une extrême folie de croire les ramener à nos dogmes en les révoltant continuellement par les calomnies les plus atroces, en les persécutant, en les traînant aux galères, à la potence, sur la roue et dans les flammes ?

Un prêtre irlandais[1] a écrit depuis peu, dans une brochure à

  1. Voyez la note 1 de la page 533.