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SUR LES CALAS ET LES SIRVEN.


nables.All sects are commonly most hot and furious for those things for which there is least reason. »

« Il vaudrait mieux, dit-il ailleurs, être sans révélation ; il vaudrait mieux s’abandonner aux sages principes de la nature, qui inspirent la douceur, l’humanité, la paix, et qui font le bonheur de la société, que d’être guidé par une religion qui porte dans les âmes une fureur si sauvage. — Better it were that there were no revealed religion ; and that human nature were left to the conduct of its own principles mild and mercifull and conducive to the happiness of society, than to be acted by a religion which inspires men with so wild a fury. » Remarquez bien ces paroles mémorables : elles ne veulent pas dire que la raison humaine est préférable à la révélation ; elles signifient que s’il n’y avait point de milieu entre la raison et l’abus d’une révélation qui ne ferait que des fanatiques, il vaudrait cent fois mieux se livrer à la nature qu’à une religion tyrannique et persécutrice.

Je vous recommande encore ces vers que j’ai lus dans un ouvrage qui est à la fois très-pieux et très-philosophique :

À la religion discrètement fidèle,
Sois doux, compatissant, sage, indulgent comme elle,
Et sans noyer autrui songe à gagner le port :
La clémence a raison, et la colère a tort.
Dans nos jours passagers de peines, de misères,
Enfants du même Dieu, vivons au moins en frères ;
Aidons-nous l’un et l’autre à porter nos fardeaux[1].
Nous marchons tous courbés sous le poids de nos maux ;
Mille ennemis cruels assiégent notre vie,
Toujours par nous maudite, et toujours si chérie ;
Notre cœur égaré, sans guide et sans appui,
Est brûlé de désirs, ou glacé par l’ennui.
Nul de nous n’a vécu sans connaître les larmes.
De la société les secourables charmes
Consolent nos douleurs au moins quelques instants :
Remède encor trop faible à des maux si constants.
Ah ! n’empoisonnons pas la douceur qui nous reste.
Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,
Se pouvant secourir, l’un sur l’autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils sont enchaînés[2].

Quand vous aurez nourri votre esprit de cent passages pareils, faites encore mieux : mettez-vous au régime de penser par vous-

  1. « Alter alterius onera portate. » (Paul, ép. aux Gal., VI, 2.)
  2. Poëme sur la Loi naturelle, IIIe partie ; voyez tome IX, page 456.