Dieu : c’est l’abbé Desfontaines[1], chassé pour ses mœurs de cette
Société de Jésus, chassée de France pour ses intrigues. Il met en
vers des psaumes, et on ne lit point ses vers ; il meurt de faim,
et il déchire pour vivre tous ceux qui se font lire, et il le déclare ;
il est enfermé à Bicêtre, et il fait des feuilles à Bicêtre ; enfin il a
un successeur aussi[2]. Ce successeur est l’Élisée de cet Élie, chassé
comme lui des jésuites, mis à Bicêtre comme lui, passant de
Bicêtre au For-l’Évêque et au Châtelet, couvert d’opprobres publics
et secrets, osant écrire et n’osant se montrer. Le nom de Fréron
est devenu une injure ; et cependant il aura aussi un successeur[3],
dont les sots liront les feuilles en province pour se former l’esprit et le cœur[4].
L’abbé de Caveyrac, dans sa belle apologie de la révocation de l’édit de Nantes, et dans celle de la Saint-Barthélemy, traite comme des coquins environ douze cent mille personnes qui vivent paisiblement en France sous le nom de nouveaux convertis. Il tombe ensuite sur les avocats ; il déchire les gens de lettres ; il calomnie le ministère. Il se ferait beaucoup d’amis s’il n’avait pas trop peu de lecteurs.
Un homme de province[5] sollicite une place dans un corps respectable d’une capitale, et l’obtient ; et pour tout remerciement, il dit à ses confrères qu’eux et tous ceux qui aspirent à l’être sont des extravagants, des ennemis de l’État et de la religion, et même des gens sans goût, qui ne lisent point ses cantiques.
Mon correspondant ne me dit point dans quel pays s’est passée cette aventure. Je soupçonne que c’est en Amérique. Il ajoute que ce discours du récipiendaire produisit quelques mauvaises
- ↑ Voyez tome XXII, page 386 ; XXIII, 25, 31, 34.
- ↑ Fréron ; voyez tome XXIV, page 181.
- ↑ Voltaire a été prophète ; Fréron a eu un successeur dans l’abbé Geoffroy (Julien-Louis), né à Rennes en 1743, mort en 1814 ; à la mort de Fréron, il le remplaça dans la rédaction de l’Année littéraire. De 1800 à 1814, il a donné, dans le Journal des Débats, un grand nombre d’articles où il se montra toujours acharné contre Voltaire. (B.)
- ↑ Voyez la note 1, tome IX, page 138.
- ↑ J.-J. Lefranc de Pompignan ; voyez tome XXIV, page 111.