Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/155

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peine à choisir les fleurs. Voici, en passant, quelques fleurs pour Nonotte.

« Il n’y a point, dis-tu, de couvent en France où les religieux aient deux cent mille livres de rente. » Il est vrai, les pauvres moines n’ont rien ; mais les abbés réguliers ou irréguliers de Cîteaux et de Clairvaux les ont, ces deux cent mille livres ; et je te conseille d’être leur fermier, tu y gagneras plus qu’avec le libraire Fez. L’abbé de Cîteaux a commencé un bâtiment[1] dont l’architecte m’a montré le devis : il monte à dix-sept cent mille livres. Nonotte ! il y a là de quoi faire de bons marchés.

10o Sache que c’est M. Damilaville[2], connu des principaux gens de lettres de Paris, s’il ne l’est pas de Nonotte, qui, ayant été indigné de l’insolence et de l’absurdité de ton libelle intitulé les Erreurs, a daigné imprimer ce qu’il en pensait ; c’est lui surtout qui a montré qu’il n’y a point de contradiction à dire que Cromwell fut quelque temps un fanatique, puis un politique profond, et enfin un grand homme, et qu’on peut dire la même chose de Mahomet. Sache que Cromwell rançonna, pilla, saccagea, pendant la guerre, et qu’il fit observer les lois pendant la paix ; qu’il ne mit point de nouveaux impôts ; « qu’il couvrit par les qualités d’un grand roi les crimes d’un usurpateur[3] ; » qu’il craignait avec très-grande raison d’être assassiné ; et qu’après avoir pris toutes les précautions pour ne le pas être, il n’en mourut pas moins avec une fermeté connue de tout le monde. M. Damilaville a dit qu’il n’y a rien dans tout cela d’incompatible, et que Nonotte n’a pas le sens commun. A-t-il tort ?

11o Que tu es ignorant dans les choses les plus connues ! Tu trouves mauvais que le véridique auteur de l’Essai sur les Mœurs, etc., dise que le célèbre Guillaume de Nassau, fondateur de la république de Hollande[4] était comte de l’empire au même titre que Philippe II était seigneur d’Anvers. Tu es tout étonné que ce fameux prince d’Orange soit mis en parallèle avec la maesta del re don Phelippo el discreto[5]. Tu as raison ; Philippe II n’était pas comparable à un héros. Ils étaient tous deux d’une famille impériale ; ces deux maisons étaient également descendues de braves gen-

  1. Voyez tome XXIV, page 291 ; et XXV, 275.
  2. Voltaire disait que les Éclaircissements historiques, publiés sans nom d’auteur, étaient de Damilaville, dont ils portent le nom en 1777 ; voyez les notes, tome XXIV, pages 483 et 515.
  3. Voyez tome XIV, page 165.
  4. Voyez tome XII, page 464.
  5. M. A.-A. Renouard a remarqué qu’il y a ici erreur typographique. Les mots écrits en italique sont les uns italiens, les autres espagnols.