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CHAPITRE X.


par être chefs de parti, ou par être pendus. Jésus fut pendu à Jérusalem sans avoir été oint. Jean le baptiseur y avait déjà été condamné au supplice. Tous deux laissèrent quelques disciples dans la lie du peuple. Ceux de Jean s’établirent vers l’Arabie, où ils sont encore[1]. Ceux de Jésus furent d’abord très-obscurs ; mais quand ils se furent associés à quelques Grecs, ils commencèrent à être connus.

Les Juifs ayant, sous Tibère, poussé plus loin que jamais leurs friponneries ordinaires, ayant surtout séduit et volé Fulvia, femme de Saturninus, furent chassés de Rome, et ils n’y furent rétablis qu’en donnant beaucoup d’argent. On les punit encore sévèrement sous Caligula et sous Claude.

Leurs désastres enhardirent le peu de Galiléens qui composaient la secte nouvelle à se séparer de la communion juive. Ils trouvèrent enfin quelques gens un peu lettrés qui se mirent à leur tête, et qui écrivirent en leur faveur contre les Juifs. Ce fut ce qui produisit cette énorme quantité d’Évangiles, mot grec qui signifie bonne nouvelle. Chacun donnait une Vie de Jésus ; aucunes n’étaient d’accord, mais toutes se ressemblaient par la quantité de prodiges incroyables qu’ils attribuaient à l’envi à leur fondateur.

La synagogue, de son côté, voyant qu’une secte nouvelle, née dans son sein, débitait une Vie de Jésus très-injurieuse au sanhédrin et à la nation, rechercha quel était cet homme auquel elle n’avait point fait d’attention jusqu’alors. Il nous reste encore un mauvais ouvrage de ce temps-là, intitulé Sepher Toldos Jeschut[2]. Il paraît qu’il est fait plusieurs années après le supplice de Jésus, dans le temps que l’on compilait les Évangiles. Ce petit livre est rempli de prodiges, comme tous les livres juifs et chrétiens ; mais, tout extravagant qu’il est, on est forcé de convenir qu’il y a des choses beaucoup plus vraisemblables que dans nos Évangiles.

Il est dit, dans le Toldos Jeschut, que Jésus était le fils d’une nommée Mirja, mariée dans Bethléem à un pauvre homme nommé Jocanam. Il y avait dans le voisinage un soldat dont le nom était Joseph Panther, homme d’une riche taille, et d’une assez grande beauté ; il devient amoureux de Mirja ou Maria (car les Hébreux, n’exprimant point les voyelles, prenaient souvent un A pour un I).

  1. Ces chrétiens de saint Jean sont principalement établis à Mosul, et vers Bassora. (Note de Voltaire, 1771.)
  2. Voyez tome XX, pages 71 et suiv.