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PRINCIPALES IMPOSTURES, ETC.


Pour Jude, leur grand-père, qu’on met au rang des apôtres, on l’appelle tantôt Thadée, et tantôt Lebbée, comme nos coupeurs de bourse, qui ont toujours deux ou trois noms de guerre.

La prétendue lettre de Jésus-Christ à un prétendu roitelet de la ville d’Édesse, qui n’avait point alors de roitelet, le voyage de ce même Thadée auprès de ce roitelet, furent quatre cents ans en vogue chez les premiers chrétiens.

Quiconque écrivait un Évangile, ou quiconque se mêlait d’enseigner son petit troupeau naissant imputait à Jésus des discours et des actions dont nos quatre Évangiles ne parlent pas. C’est ainsi que dans les Actes des apôtres, au chapitre XX (verset 35), Paul cite ces paroles de Jésus : « Μαϰάριον ἔστι διδόναι μᾶλλον ἢ λαμϐάνειν (Makarion esti didonai mallon ê lambanein) ; il vaut mieux donner que de recevoir. » Ces paroles ne se trouvent ni dans Matthieu, ni dans Marc, ni dans Luc, ni dans Jean.

Les Voyages de Pierre, l’Apocalypse de Pierre, les Actes de Pierre, les Actes de Paul, de Thècle, les Lettres de Paul à Sénèque et de Sénèque à Paul, les Actes de Pilate, les Lettres de Pilate, sont assez connus des savants ; et ce n’est pas la peine de fouiller dans ces archives du mensonge et de l’ineptie.

On a poussé le ridicule jusqu’à écrire l’histoire de Claudia Procula, femme de Pilate.

Un malheureux nommé Abdias, qui passa incontestablement pour avoir vécu avec Jésus-Christ, et pour avoir été un des plus fameux disciples des apôtres, est celui qui nous a fourni l’histoire du combat de Pierre avec Simon, le prétendu magicien, si célèbre chez les premiers chrétiens. C’est sur cette seule imposture que s’est établie la croyance que Pierre est venu à Rome ; c’est à cette fable que les papes doivent toute leur grandeur, si honteuse pour le genre humain ; et cela seul rendrait cette grandeur précaire bien ridicule, si une foule de crimes ne l’avait rendue odieuse.

Voici donc ce que raconte cet Abdias, qui se prétend témoin oculaire. Simon Pierre Barjone étant venu à Rome sous Néron, Simon le Magicien y vint aussi. Un jeune homme, proche parent de Néron, mourut ; il fallait bien ressusciter un parent de l’empereur ; les deux Simons s’offrirent pour cette affaire. Simon le Magicien y mit la condition qu’on ferait mourir celui des deux qui ne pourrait pas réussir. Simon Pierre l’accepta, et l’autre Simon commença ses opérations ; le mort branla la tête : tout le peuple jeta des cris de joie. Simon Pierre demanda qu’on fît silence, et dit : « Messieurs, si le défunt est en vie, qu’il ait la