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CHAPITRE XXVIII.


n’en savaient pas plus que le charbonnier de Grégoire. Un miracle plus rare, c’est qu’un jour les païens couraient après Grégoire et son diacre pour leur faire un mauvais parti ; les voilà qui se changent tous les deux en arbres. Ce thaumaturge était un vrai Protée. Mais quel nom donnera-t-on à ceux qui ont écrit ces inepties ? et comment se peut-il que Fleury les ait copiées dans son Histoire ecclésiastique ? Est-il possible qu’un homme qui avait quelque sens, et qui raisonnait tolérablement sur d’autres sujets, ait rapporté sérieusement que Dieu rendit folle une vieille pour empêcher qu’on ne découvrît saint Félix de Nole pendant la persécution[1] ?

On me répondra que Fleury s’est borné à transcrire, et moi je répondrai qu’il ne fallait pas transcrire des bêtises injurieuses à la Divinité ; qu’il a été coupable s’il les a copiées sans les croire, et qu’il a été un imbécile s’il les a crues.


CHAPITRE XXVIII.

DES CHRÉTIENS DEPUIS DIOCLÉTIEN JUSQU’À CONSTANTIN.

Les chrétiens furent bien plus souvent tolérés et même protégés qu’ils n’essuyèrent de persécutions. Le règne de Dioclétien fut, pendant dix-huit années entières, un règne de paix et de faveurs signalées pour eux. Les deux principaux officiers du palais, Gorgonius et Dorothée, étaient chrétiens. On n’exigeait, plus qu’ils sacrifiassent aux dieux de l’empire pour entrer dans les emplois publics. Enfin Prisca, femme de Dioclétien, était chrétienne ; aussi jouissaient-ils des plus grands avantages. Ils bâtissaient des temples superbes, après avoir tous dit, dans les premiers siècles, qu’il ne fallait ni temples ni autels à Dieu ; et,

    24 mai 1769. (B.) — Voyez aussi tome XIX, 82 ; XX, 105, 313 ; et, ci-après, la Lettre à l’évêque d’Annecy.

  1. Voyez, sur tous ces miracles, les sixième et septième livres de Fleury. Voyez plutôt le Recueil des miracles opérés à Saint-Médard, à Paris, présenté au roi de France Louis XV, par un nommé Carré de Montgeron, conseiller au parlement de Paris. Les convulsionnaires avaient fait ou vu plus de mille miracles ; Fatio et Daudé ne prétendirent-ils pas ressusciter un mort chez nous en 1707 ? La cour de Rome ne canonise-t-elle pas encore tous les jours, pour de l’argent, des saints qui ont fait des miracles dont elle se moque ? Et combien de miracles faisaient nos moines avant que, sous un Henri VIII, on eût étalé dans la place publique tous les instruments de leurs abominables impostures ? (Note de Voltaire.) — La première phrase de cette note est de 1767 ; tout le reste, de 1771.