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CHAPITRE XXXIV.


Mais Julien croyait, ou feignait de croire, par politique, aux divinations, aux augures, à l’efficacité des sacrifices : car enfin les peuples n’étaient pas philosophes ; il fallait opter entre la démence des christicoles et celle des païens.

Je pense que si ce grand homme eût vécu, il eût, avec le temps, dégagé la religion des superstitions les plus grossières, et qu’il eût accoutumé les Romains à reconnaître un Dieu formateur des dieux et des hommes, et à lui adresser tous les hommages.

Mais Cyrille et Grégoire, et les autres prêtres chrétiens, profitèrent de la nécessité où il semblait être de professer publiquement la religion païenne, pour le décrier chez les fanatiques. Les ariens et les athanasiens se réunirent contre lui, et le plus grand homme qui peut-être ait jamais été devint inutile au monde.


CHAPITRE XXXIV[1].

DES CHRÉTIENS JUSQU’À THÉODOSE.

Après la mort de Julien, les ariens et les athanasiens, dont il avait réprimé la fureur, recommencèrent à troubler tout l’empire. Les évêques des deux partis ne furent plus que des chefs de séditieux. Des moines fanatiques sortirent des déserts de la Thébaïde pour souffler le feu de la discorde, ne parlant que de miracles extravagants, tels qu’on les trouve dans l’histoire des papas du désert ; insultant les empereurs, et montrant de loin ce que devaient être un jour des moines.

Il y eut un empereur sage qui, pour éteindre, s’il se pouvait, toutes ces querelles, donna une liberté entière de conscience, et la prit pour lui-même : ce fut Valentinien Ier. De son temps, toutes les sectes vécurent au moins quelques années dans une paix extérieure, se bornant à s’anathématiser sans s’égorger ; païens, juifs, athanasiens, ariens, macédoniens, donatistes, cyprianistes manichéens, apollinaristes, tous furent étonnés de leur tran-

  1. Entre ce chapitre et celui qui précède, l’édition de 1776, dont j’ai parlé précédemment (page 195), en contient un intitulé Du prétendu miracle arrivé sous Julien dans les fondements du temple de Jérusalem. Mais ce n’est que la reproduction du morceau ayant pour titre : Des Globes de feu, etc., que l’auteur avait donné en 1770, dans ses Questions sur l’Encyclopédie (voyez tome XVII, pages 319-321). Toutefois le dernier alinéa de 1770 ne faisait pas partie de la réimpression de 1770, qui se terminait par les mots hauteur révoltante. (B.)