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SUR LA SUPERSTITION. 337

que la leur, par cela seul qu'elle est plus raisonnable et plus com- patissante. Quiconque me dit : Pe72se comme moi, ou Dieu te dam- nera, me dira bientôt : Pense comme moi, ou je t'assassinerai. Prions Dieu qu'il adoucisse ces cœurs atroces, et qu'il inspire à tous ses enfants des sentiments de frères. Nous voilà dans notre île où la secte épiscopale domine depuis Douvres jusqu'à la petite rivière de Tweed. De là jusqu'à la dernière des Orcades le presbytéria- nisme est en crédit, et, sous ces deux religions régnantes, il y en a dix ou douze autres particulières. Allez en Italie, vous trou- verez le despotisme papiste sur le trône. Ce n'est plus la même chose en France ; elle est traitée à Rome de demi-hérétique. Passez en Suisse, en Allemagne, vous couchez aujourd'hui dans une ville calviniste, demain dans une papiste, après-demain dans une luthérienne. Allez jusqu'en Paissie, vous ne voyez plus rien de tout cela. C'est une secte tout différente. La cour y est éclairée, à la vérité, par une impératrice philosophe. L'auguste Catherine a mis la raison sur le trône, comme eheya placé la magnificence et la générosité ; mais le peuple de ses provinces déteste encore également et luthériens, et calvinistes, et papistes. 11 ne voudrait ni manger avec aucun d'eux, ni boire dans le même verre. Or, je vous demande, mes frères, ce qui arriverait si, dans une as- semblée de tous ces sectaires, chacun se croyait autorisé par l'esprit divin à faire triompher son opinion ? Ne voyez-vous pas les épées tirées, les potences dressées, les bûchers allumés d'un bout de l'Europe à l'autre ? Quel est donc celui qui a raison dans ce chaos de disputes ? Le tolérant, le bienfaisant. Ne dites pas qu'en prêchant la tolérance nous prêchons l'indifférence. Non, mes frères ; celui qui adore Dieu et qui fait du bien aux hommes n'est point indifférent. Ce nom convient bien davantage au supersti- tieux, qui pense que Dieu lui saura gré d'avoir proféré des for- mules inintelligibles tandis qu'il est en effet très-indiflférent sur le sort de son frère, qu'il laisse périr sans secours, ou qu'il aban- donne dans la disgrâce, ou qu'il flatte dans la prospérité, ou qu'il persécute s'il est d'une autre secte, s'il est sans appui et sans pro- tection. Plus le superstitieux se concentre dans des pratiques et dans des croyances absurdes, plus il a d'indifférence pour les vrais devoirs de l'humanité. Souvenons-nous à jamais d'un de nos charitables compatriotes. Il fondait un hôpital pour les vieil- lards, dans sa province; on lui demandait si c'était pour des papistes, des luthériens, des presbytériens, des quakers, des soci- niens, des anabaptistes, des méthodistes, des mennonites. Il répondit ; « Pour des hommes. »

2G. — Mélanges. V. 22

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