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348 HOiMÉLIE SUR L'INTERPRÉTATION

mis pensent nous accabler : ils disent que, dans l'antiquité, tout peuple avait ses prophètes, ses devins, ses voyants ; mais si les Égyptiens, par exemple, avaient anciennement de faux prophètes, s'ensuit-il que les Juifs ne pussent en avoir de véritables? On prétend qu'ils n'avaient aucune mission, aucun grade, aucune autorisation légale : cela est vrai ; mais ne pouvaient-ils^ pas être autorisés par Dieu même? Ils s'anathématisaient les uns les au- tres ; ils se traitaient réciproquement de fourbes et d'insensés, et le prophète Sédékia- ose même donner un soufflet au prophète Miellée en présence du roi Josaphat : nous n'en disconvenons pas. Les Paralipomènes rapportent ce fait ; mais un ministère est-il moins saint quand les ministres le déshonorent? Et nos prêtres n'ont-ils pas fait cent fois pis que de donner des soufflets?

Dieu ordonne à Ézéchiel-' de manger un livre de parchemin; de mettre des excréments humains sur son pain ; de partager ensuite ses cheveux en trois parties, et d'en jeter une dans le feu ; de se faire lier ; de coucher trois cent quatre-vingt-dix jours sur le côté gauche, et quarante sur le côté droit. Dieu commande expressément au prophète Osée* de prendre une fille de fornica- tion, et d'en avoir des enfants de fornication. Dieu veut ensuite qu'Osée couche avec une femme adultère, pour quinze drachmes et un boisseau et demi d'orge. Tous ces commandements de Dieu scandalisent les esprits qui se disent sages ; mais ne seront-ils pas plus sages s'ils voient que ce sont des allégories, des types, des paraboles, conformes aux mœurs des Israélites ; qu'il ne faut ni demander compte à un peuple de ses usages, ni demander compte à Dieu des ordres qu'il a donnés en conséquence de ces usages reçus?

Dieu n'a pu ordonner sans doute à un prophète'd'être débau- ché et adultère ; mais il a voulu faire connaître qu'il réprouvait les crimes et les adultères de son peuple chéri. Si nous ne lisions pas la Bible dans cet esprit, hélas! nous serions révoltés et indi- gnés à chaque page.

Édifions-nous de ce qui fait le scandale des autres;- tirons une nourriture salutaire de ce qui leur sert de poison. Quand le sens propre et littéral d'un passage paraît conforme à notre raison, tenons-nous-en à ce sens naturel. Quand il paraît contraire à la vérité, aux bonnes mœurs, cherchons un sens caché dans lequel

1. L'édition de 17G8 porte : pourraient. % III. Rois, XXII, 24.

3. Chap. iii-vi.

4. Chap. I et m.

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