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MÉMOIRE. 361

royale, et, pour parer le coup qui la menaçait, il écrivit à monsei- gneur le duc de Bourgogne, qui aimait son père autant qu'il craignait son aïeul, qu'à son retour il trouverait deux maîtres; M""" la duchesse de Bourgogne conjura son époux de ne pas contribuer à lui donner pour souveraine une femme née tout au plus pour la servir. Le prince, ébranlé par ces instances, empêcha que Lille ne fût secourue. »

On demande où ce calomniateur du père du roi a trouvé ces paroles de Louis XIV : Vous serez reine de France^ Était-il dans la chambre ? Quelqu'un les a-t-il jamais rapportées? Ce mensonge n'est-il pas aussi méprisable que celui qu'il ajoute ensuite : « De là ces billets que les ennemis jetaient parmi nous : « Bassurez- « vous. Français, elle ne sera pas votre reine, nous ne lèverons « pas le siège ? »

Comment une armée jette-t-elle des billets dans une ville as- siégée ? Peut-on joindre plus de sottises à plus d'horreurs ?

Après avoir tenté de jeter cet opprobre sur le père du roi, il vient à son grand-père ; il veut lui donner des ridicules ; il lui fait épouser M" Cliouin ; il lui donne un fils de la Baizin, au heu d'une fille, et, aussi instruit des affaires des citoyens que de celles de la famille royale, il avance que ce fils serait mort dans la misère si le trésorier de l'extraordinaire des guerres, La Jon- chère, ne lui avait pas donné sa sœur en mariage. Enfin, pour couronner cette impertinence, il confond ce trésorier avec un autre La JonchèreS sans emploi, sans talents, et sans fortune, qui a donné, comme tant d'autres, un projet ridicule de finances en quatre petits volumes.

Il fallait bien qu'ayant ainsi calomnié tous les princes, il portât (M. L.) sa fureur sur Louis XIV. Bien n'égale l'atrocité avec laquelle il parle de la mort du marquis de Louvois ; il ose dire que ce ministre craignait que le roi ne l'empoisonnât. En- suite voici comme il s'exprime : « Au sortir du conseil il rentre dans son appartement, et boit un verre d'eau avec précipitation; le chagrin l'avait déjà consumé; il se jette dans un fauteuil, dit quelques mots mal articulés, et expire. Le roi s'en réjouit, et dit que cette année l'avait délivré de trois hommes qu'il ne pouvait plus souffrir : Seignelai, La Feuillade, et Louvois. »

Il est inutile de remarquer que MM. de Seignelai et de Louvois ne moururent point la même année. Une telle remarque serait convenable s'il s'agissait d'une ignorance; mais il est question

1. Voyez tome XXIII, page j8; et dans le présent volume, page 1 iO.

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