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SUR LES FRANÇAIS. 495

��DE "BONAVENTLRE DESPERIERS.

��Un des premiers exemples en France de la persécution fondée sur des terreurs paniques fut le vacarme étrange qui dura si longtemps au sujet du Cymbalum mundi^, petit livret d'une cin- quantaine de pages tout au plus. L'auteur, Bonaventure Despe- riers, vivait au commencement du xvi« siècle. CeDesperiers était domestique de Marguerite de Valois, sœur de François P"^. Les lettres commençaient alors à renaître. Desperiers voulut faire en latin quelques dialogues dans le goût de Lucien : il composa quatre dialogues très-insipides sur les prédictions, sur la pierre pliilosopliale, sur un cheval qui parle, sur les chiens d'Actéon. Il n'y a pas assurément, dans tout ce fatras de plat écolier, un seul mot qui ait le moindre et le plus éloigné rapport aux choses que nous devons révérer.

On persuada à quelques docteurs qu'ils étaient désignés par les chiens et par les chevaux. Pour les chevaux, ils n'étaient pas accoutumés à cet honneur. Les docteurs aboyèrent; aussitôt l'ou- vrage fut recherché, traduit en langue vulgaire, et imprimé; et chaque fainéant d'y trouver des allusions; et les docteurs de crier à l'hérétique, à l'impie, à l'athée. Le livret fut déféré aux magis- trats, le libraire Morin mis en prison, et lauteur en de grandes angoisses.

L'injustice de la persécution frappa si fortement le cerveau de Bonaventure qu'il se tua de son épée dans le palais de Marguerite -. Toutes les langues des prédicateurs, toutes les plumes des théolo- giens, s'exercèrent sur cette mort funeste. Il s'est défait lui-même: donc il était coupable; donc il ne croyait point en Dieu; donc son petit livre, que personne n'avait pourtant la patience délire, était le catéchisme des athées. Chacun le dit, chacun le crut : Credidi ■propter qiiod locutus sum'^ ; « j'ai cru parce que j'ai parlé, » est la devise des hommes. On répète une sottise, et à force de la re- dire on en est persuadé.

Le livre devint d'une rareté extrême : nouvelle raison pour le croire infernal. Tous les auteurs d'anecdotes littéraires et de dic- tionnaires n'ont pas manqué d'affirmer que le Cymbalum miaidi est le précurseur de Spinosa.

Nous avons encore un ouvrage d'un conseiller de Bourges,

1. Voyez la note 2, tome XYIIF, pa^e 253.

2. Selon Henri Estienne. Le fait est contesté.

3. Psalm. cxv, 1.

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