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538 LE DINER DU COMTE

VOUS présenterai Mangez, mangez; que la honte ne vous fasse dommage.

l'abbé. Ah! devant vos domestiques, un vendredi, qui est le lende- main du jeudi ! Ils Tiraient dire par toute la ville.

LE COMTE,

Ainsi vous avez plus de respect pour mes laquais que pour Jésus-Christ.

l'abbé.

11 est bien vrai que notre Sauveur n'a jamais connu les dis- tinctions des jours gras et des jours maigres ; mais nous avons changé toute sa doctrine pour le mieux ; il nous a donné tout pouvoir sur la terre et dans le ciel. Savez-vous bien que, dans plus d'une province, il n'y a pas un siècle que l'on condamnait les gens qui mangeaient gras en carême à être pendus ? et je vous en citerai des exemples.

LA COMTESSE.

Mon Dieu ! que cela est édifiant, et qu'on voit bien que votre religion est divine !

l'abbé.

Si divine que, dans le pays même où Ton faisait pendre ceux qui avaient mangé d'une omelette au lard, on faisait brûler ceux qui avaient ôté le lard d'un poulet piqué, et que l'Église en use encore ainsi quelquefois : tant elle sait se proportionner aux dif- férentes faiblesses des hommes ! A boire...

le COMTE.

A propos, monsieur le grand vicaire, votre Église permet-elle qu'on épouse les deux sœurs?

l'abbé.

Toutes deux à la fois, non ; mais l'une après l'autre, selon le besoin, les circonstances, l'argent donné en cour de Rome, et la protection : remarquez bien que tout change toujours, et que. tout dépend de notre sainte Église. La sainte Église juive, notre mère, que nous détestons, et que nous citons toujours, trouve très-bon que le patriarche Jacob épouse les deux sœurs à la fois : elle défend dans le Léoitique de se marier à la veuve de son frère -; elle l'ordonne expressément dans le Deutéronome^; et la coutume de Jérusalem permettait qu'on épousât sa propre sœur, car vous

��1. Luc, chap. X, V. 8. [Xote de VuUaire.)

2. Lévitique, chap. xviir, v. 16. {Id.)

3. Deutéronome, chap. xxv, v. 5. {Jd.)

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