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DE BOULAINYILLIERS. 543

mier livre des Métamorphoses d'Ovide. Heraclite, longtemps aupa- ravant, avait dit que ce monde-ci serait consumé par le feu. Les stoïciens avaient adopté cette rêverie. Les demi-juifs demi-cliré- tiens, qui fabriquèrent les Am/ig-iVes, ne manquèrent pas d'adopter un dogme si reçu, et de s'en prévaloir. Mais, comme le monde subsista encore longtemps, et que Jésus ne vint point dans les nuées avec une grande puissance et une grande majesté au 1" siècle de l'Église, ils dirent que ce serait pour le 11 siècle ; ils le promirent ensuite pour le m*' ; et de siècle en siècle cette extra- vagance s'est renouvelée. Les théologiens ont fait comme un charlatan que j'ai vu au bout du Pont-Neuf sur le quai de l'École: il montrait au peuple, vers le soir, un coq et quelques bouteilles de baume : « Messieurs, disait-il, je vais couper la tête à mon coq, et je le ressusciterai le moment d'après en votre présence ; mais il faut auparavant que vous achetiez mes bouteilles. » Il se trouvait toujours des gens assez, simples pour en acheter. « Je vais donc couper la tête à mon coq, continuait le charlatan ; mais comme il est tard, et que cette opération est digne du grand jour, ce sera pour demain. »

Deux membres de l'Académie des sciences eurent la curiosité et la constance de revenir pour voir comment le charlatan se tirerait d'affaire; la farce dura huit jours de suite ; mais la farce de l'attente de la fin du monde, dans le christianisme, a duré huit siècles entiers. Après cela, monsieur, citez-nous les prophé- ties juives ou chrétiennes.

M. FRÉRET.

Je ne vous conseille pas de parler des miracles de Moïse devant des gens qui ont de la barbe au menton. Si tous ces prodiges inconcevables avaient 'été opérés, les Égyptiens en auraient parlé dans leurs histoires, La mémoire de tant de faits prodigieux qui étonnent la nature se serait conservée chez toutes les nations. Les Grecs, qui ont été instruits de toutes les fables de l'Egypte et de la Syrie, auraient fait retentir le bruit de ces actions surnatu- relles aux deux bouts du monde. Mais aucun historien, ni grec, ni syrien, ni égyptien, n'en dit un seul mot. Flavius Josèphe, si bon patriote, si entêté de son judaïsme, ce Josèphe qui a recueilli tant de témoignages en faveur de l'antiquité de sa nation, n'en a pu trouver aucun qui attestât les dix plaies d'Egypte, et le passage à pied sec au milieu de la mer, etc.

Vous savez ([uc l'auteur du Pentatcuque est encoi'e incertain : quel homme sensé pourra jamais croire, sur la foi de je ne sais quel Juif, soit Esdras, soit un autre, de si épouvantables mer-

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