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DE LA PAIX

XXV.

Ne répétons point ici par quels degrés sanglants les évêques de Rome se sont élevés, comment ils sont parvenus jusqu’à l’insolence de fouler les rois à leurs pieds, et jusqu’au ridicule d’être infaillibles. Ne redisons point comment ils ont donné tous les trônes de l’Occident, et ravi l’argent de tous les peuples ; ne parlons point de vingt-sept schismes sanglants de papes contre papes qui se disputaient nos dépouilles. Ces temps d’horreurs et d’opprobres ne sont que trop connus. On a dit[1] assez que l’histoire de l’Église est l’histoire des folies et des crimes.

XXVI.

Omnia jam vulgata.

(Virg., Georg., lib. III, v. 4.)

Il faudrait que chacun eût, au chevet de son lit, un cadre où fussent écrits en grosses lettres : « Croisades sanglantes contre les habitants de la Prusse et contre le Languedoc ; massacres de Mérindol ; massacres en Allemagne et en France au sujet de la réforme ; massacres de la Saint-Barthélemy, massacres d’Irlande ; massacres des vallées de Savoie ; massacres juridiques ; massacres de l’Inquisition ; emprisonnements, exils sans nombre pour des disputes sur l’ombre de l’âne. »

On jetterait tous les matins un œil d’horreur sur ce catalogue de crimes religieux, et on dirait pour prière : « Mon Dieu, délivrez-nous du fanatisme. »

XXVII.

Pour obtenir cette grâce de la miséricorde divine, il est nécessaire de détruire, chez tous les hommes qui ont de la probité et quelques lumières, les dogmes absurdes et funestes qui ont produit tant de cruautés. Oui, parmi ces dogmes il en est peut-être qui offensent la Divinité autant qu’ils pervertissent l’humanité.

Pour en juger sainement, que quiconque n’a pas abjuré le sens commun se mette seulement à la place des théologiens qui combattirent ces dogmes avant qu’ils fussent reçus : car il n’y a pas une seule opinion théologique qui n’ait eu longtemps et qui n’ait encore des adversaires ; pesons les raisons de ces adversaires ; voyons comment ce qu’on croyait autrefois un blasphème est devenu un article de foi. Quoi ! le Saint-Esprit ne procédait

  1. Tome XIII, page 177.