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RELIGION DE JÉSUS.

en langue de feu, dans un grenier. Faites réflexion seulement au discours que l’auteur des Actes fait tenir à Pierre (chap. ii, v. 14), discours qu’on regarde comme la profession de foi des chrétiens. Vous me dites que c’est un galimatias ; mais à travers ce galimatias même, voyez les traits de la vérité.

D’abord Pierre cite le prophète Joël, qui a dit : « Je répandrai mon esprit sur toute chair (chap. ii, v. 28). »

Pierre conclut de là qu’en qualité de bons Juifs, lui et ses compagnons ont reçu l’esprit. Remarquez soigneusement ses paroles :

« Vous savez que Jésus de Nazareth était un homme que Dieu a rendu célèbre, par les vertus et les prodiges que Dieu a faits par lui (v. 22). »

Remarquez surtout la valeur de ces mots : « Un homme que Dieu a rendu célèbre ; » voilà un aveu bien authentique que Jésus ne poussa jamais le blasphème jusqu’à se dire participant réellement de la Divinité, et que ses disciples étaient bien loin d’imaginer ce blasphème.

« Dieu l’a ressuscité en arrêtant les douleurs de l’enfer, etc. (ibid., v. 24). » C’est donc Dieu qui a ressuscité un homme.

« C’est ce Jésus que Dieu a ressuscité, et après qu’il a été élevé par la puissance de Dieu, etc. (ibid., v. 32 et 33). »

Observez que, dans tous ces passages, Jésus est un bon Juif, un homme juste que Dieu a protégé, qu’il a laissé mourir, à la vérité, publiquement du dernier supplice, mais qu’il a ressuscité secrètement.

« En ce même temps, Pierre et Jean montaient au temple pour la prière de la neuvième heure (chap. iii, v. 1). »

Voilà qui démontre sans réplique que les apôtres persistaient dans la religion juive, comme Jésus y avait persisté.

Moïse a dit à nos pères (ibid., v. 22 et 23): « Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d’entre vos frères un prophète comme moi ; écoutez-le dans tout ce qu’il vous dira... Quiconque n’écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu du peuple. »

J’avoue que Pierre, à qui on fait tenir ce discours, rapporte très-mal les paroles du Deutéronome attribuées à Moïse. Il n’y a point dans le texte du Deutéronome : « Quiconque n’écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu du peuple[1]. »

J’avoue encore qu’il y a plus de trente textes de l’Ancien Tes-

  1. On lit dans le Deutéronome, xviii, 19 : « Qui autem verba ejus, quæ loquetur in nomine meo, audire noluerit, ego ultor exsistam. »