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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/249

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PROPOSITIONS HONNÊTES.

fligent et me font verser des larmes ; mais les horreurs infernales qu’elle a répandues dans les trois royaumes dont je suis membre déchirent mes entrailles. Je méprise un cœur de glace, qui n’est pas saisi des mêmes transports que moi quand il considère les troubles religieux qui ont agité l’Angleterre, l’Écosse, et l’Irlande. Dans les temps qui virent naître ce trop facile et trop incertain roi Charles Ier, et cet étrange Cromwell, moitié fou, moitié héros, moitié fanatique, moitié fripon, moitié politique, et moitié barbare, le christianisme alluma les flambeaux qui mirent nos villes en cendres, et fourbit les épées qui couvrirent si longtemps nos campagnes des cadavres de nos ancêtres.

Malheureux et détestables compatriotes, quelle fut la principale cause de vos fureurs ? Vous vous égorgeâtes pour savoir s’il fallait un surplis ou une soutane, pour un covenant[1], pour des cérémonies ou ridicules, ou du moins inutiles.

Les Écossais vendirent pour deux cent mille livres sterling aux Anglais leur roi réfugié chez eux ; roi condamné à Rome, parce qu’il n’était pas soumis à la superstition papistique ; roi condamné à Édimbourg, parce qu’il n’était pas soumis au ridicule covenant écossais ; roi mort à Londres sur l’échafaud, parce qu’il n’était pas presbytérien.

Nos compatriotes irlandais ont porté plus loin leur fureur quand, un peu avant cette exécution abominable, nos papistes ont assassiné un nombre prodigieux de protestants ; quand plusieurs se sont nourris de la chair de ces victimes, et se sont éclairés de la chandelle faite avec leur graisse[2].

Ce qui doit être remarqué avec des yeux attentifs, mais avec des yeux longtemps mouillés de larmes, c’est que dans tous les temps où les chrétiens se sont souillés par des assassinats religieux, en Angleterre, en Irlande, en Écosse, dans les temps de Charles Ier, de Charles II et de Jacques II ; en France, depuis Charles IX jusqu’à Louis XIII ; en Allemagne, en Espagne, en Flandre, en Hollande, sous Charles-Quint et Philippe II ; dans ces temps, dis-je, si horribles et si voisins de nous, dans les massacres réciproques commis dans les cinq vallées de Savoie et dans les Cévennes de France ; tous ces crimes furent justifiés par les exemples de Phinées, d’Aod, de Jahel, de Judith, et par tous les assassinats dont l’Écriture sainte regorge.

Religion chrétienne, voilà tes effets ! Tu es née dans un coin

  1. Voyez tome XIII, page 66.
  2. Voyez tome XVII, page 271.