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COMMENT IL FAUT PRIER DIEU.

sont sages, il n’y aura plus de culte public, on n’ira plus à nos sermons, nous perdrons nos bénéfices. Rassurez-vous, mes amis, sur la plus grande de vos craintes. Nous ne rejetons point les prêtres, quoique dans la Caroline et dans la Pensylvanie chacun de nos pères de famille puisse être ministre du Très-Haut dans sa maison. Non-seulement vous garderez vos bénéfices, mais nous prétendons augmenter le revenu de ceux qui travaillent le plus, et qui sont le moins payés.

Loin d’abolir le culte public, nous voulons le rendre plus pur et moins indigne de l’Être suprême. Vous sentez combien il est indécent de ne chanter à Dieu que des chansons juives, et combien il est honteux de n’avoir pas eu assez d’esprit pour faire vous-mêmes des hymnes plus convenables. Louons Dieu, remercions Dieu, invoquons Dieu à la manière d’Orphée, de Pindare, d’Horace, de Dryden, de Pope, et non à la manière hébraïque. De bonne foi, si vous commenciez d’aujourd’hui à instituer des prières publiques, qui de vous oserait proposer de chanter le barbare galimatias attribué au Juif David ?

Ne rougissez-vous pas de dire à Dieu[1] : Tu gouverneras toutes les nations que tu nous soumettras avec une verge de fer ; tu les briseras comme le potier fait un vase.

[2]Tu as brisé les dents des pécheurs.

[3]La terre a tremblé, les fondements des montagnes se sont ébranlés, parce que le Seigneur s’est fâché contre les montagnes ; il a lancé la grêle et des charbons.

[4]Il a logé dans le soleil, et il en est sorti comme un mari qui sort de son lit.

[5]Dieu brisera leurs dents dans leur bouche ; il mettra en poudre leurs dents mâchelières ; ils deviendront à rien comme de l’eau : car il a tendu son arc pour les abattre ; et ils seront engloutis tout vivants dans sa colère, avant d’entendre que tes épines soient aussi hautes qu’un prunier.

[6]Les nations viendront, vers le soir, affamées comme des chiens ; et toi, Seigneur, tu te moqueras d’elles, et tu les réduiras à rien.

[7]La montagne du Seigneur est une montagne coagulée ; pourquoi regardez-vous les monts coagulés ? Le Seigneur a dit : Je jetterai Basan, je le jetterai dans la mer, afin que ton pied soit

  1. Ps. ii. (Note de Voltaire.)
  2. Ps. iii. (Id.)
  3. Ps. xvii. (Id.)
  4. Ps. xviii. (Id.)
  5. Ps. lvii. (Note de Voltaire.)
  6. Ps. Lviii. (Id.)
  7. Ps. lxvii. (Id.)