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DE L’EMPEREUR JULIEN.

ces dieux, ayant reçu de leur père et de leur créateur cette puissance, ont produit sur la terre les différents genres d’animaux, puisqu’il eût fallu, si le Dieu suprême eût été également le créateur de tous les êtres, qu’il n’y eût eu aucune différence entre le ciel et l’homme, entre Jupiter et les serpents, les bêtes féroces, les poissons. Mais puisqu’il y a un intervalle immense entre les êtres immortels et les mortels, les premiers ne pouvant être ni améliorés, ni détériorés, les seconds étant soumis au contraire aux changements en bien et en mal, il fallait nécessairement que la cause qui a produit les uns fût différente de celle qui a créé les autres.

Il n’est pas nécessaire que j’aie recours aux Grecs et aux Hébreux pour prouver qu’il y a une différence immense entre les dieux créés par l’Être suprême et les êtres mortels produits par ces dieux créés. Quel est, par exemple, l’homme qui ne sente en lui-même la divinité du ciel, et qui ne lève ses mains vers lui, lorsqu’il prie et qu’il adore l’Être suprême ou les autres dieux ? Ce n’est pas sans cause que ce sentiment de religion en faveur du soleil et des autres astres est établi dans l’esprit des hommes. Ils se sont aperçus qu’il n’arrivait jamais aucun changement dans les choses célestes ; qu’elles n’étaient sujettes ni à l’augmentation ni à la diminution ; qu’elles allaient toujours d’un mouvement égal, et qu’elles conservaient les mêmes règles (les lois du cours de la lune, du lever, du coucher du soleil, ayant toujours lieu dans les temps marqués). De cet ordre admirable les hommes ont conclu avec raison que le soleil est un dieu ou la demeure d’un dieu. Car une chose qui est par sa nature à l’abri du changement ne peut être sujette à la mort ; et ce qui n’est point sujet à la mort doit être exempt de toute imperfection. Nous voyons qu’un être qui est immortel et immuable ne peut être porté et mû dans l’univers que par une âme divine et parfaite qui est dans lui, ou par un mouvement qu’il reçoit de l’Être suprême, ainsi qu’est celui que je crois qu’a l’âme des hommes.

Examinons à présent l’opinion des Juifs sur ce qui arriva à Adam et Ève dans ce jardin, fait pour leur demeure, et qui avait été planté par Dieu même[1]. « Il n’est pas bon, dit Dieu, que l’homme soit seul. Faisons-lui une compagne qui puisse l’aider et qui lui ressemble[2]. » Cependant cette compagne non-seulement

  1. Genèse, chap. ii, v. 18. (Note de Voltaire.)
  2. L’empereur oublie que le Dieu des Juifs avait déjà créé la femme, Masculum et feminam creavit eos. Genèse, chap. ier, v. 27. Il ne relève pas cette contradiction. Il dédaigne de s’appesantir sur le ridicule du jardin d’Éden et des quatre