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EXTRAIT D'UN JOURNAL

(24 avril 1698.) Le roi alla à la chasse au vol dans la plaine de Vésiné : le roi d'Angleterre et le prince de Galles y étaient ; mais la reine d'Angleterre n'y était point, elle est assez incommodée depuis quelques jours ; Madame et Madame la Duchesse, y étaient à cheval. On prit un milan noir, et le roi fit expédier une ordonnance de deux cents écus pour le chef du vol. Il en donne autant tous les ans au premier milan noir qu'on prend devant lui. Autrefois il donnait le cheval sur lequel il était monté, et sa robe de chambre [1]. L'année passée, il fit donner la même somme pour un milan qu'on avait pris devant M. le duc de Bourgogne ; mais il fit mettre sur l'ordonnance que c'était sans conséquence, parce qu'il faut que le roi soit présent.

(30 mai.) Mme la duchesse de Bourgogne alla au salut à Saint-Cyr [2].

(12 juin.) On a joué tout ce voyage un jeu prodigieux, et le roi ayant su que le garçon qui a soin des cartes avait payé un mécompte qui s'était trouvé dans les jetons. Sa Majesté l'a envoyé quérir, l'a loué, et lui a fait rendre son argent [3].

(1er août.) Le roi ayant envoyé M. le maréchal de Boufflers pour visiter les endroits où doit être le camp auprès de Compiègne, le maréchal revint le 1er août ; il a rendu compte au roi de l'état des moissons de ces cantons-là, qui ne peuvent pas être faites sitôt ; et sur cela le roi eut la bonté de différer ce camp jusqu'au commencement du mois qui vient [4].

M. le duc de Bourgogne alla voir arriver le reste des troupes qui forment le camp : Mme la duchesse de Bourgogne alla voir distribuer aux troupes le bois, la paille, et le foin [5].

Le roi, M. le duc de Bourgogne, Mme la duchesse de Bourgogne, allèrent au camp tous séparément. Monseigneur y dîna chez M. le maréchal de Boufflers ; Mme la duchesse de Bourgogne y arriva la dernière, et, dès qu'elle y fut arrivée, le roi fit faire les mouvements qu'il avait ordonnés. La réserve que commande M. de Prancontal vint par derrière les bois attaquer les gardes du camp : les gardes se retirèrent ; le piquet monta à cheval pour les soutenir, et rechassa la réserve, qui était composée de deux mille chevaux ou dragons. On tira beaucoup, et il y eut un capitaine du régiment de La

  1. A la postérité encore.
  2. A la postérité, vous dis-je.
  3. Cela arriverait chez un maître des comptes, ou chez un conseiller de la cour. Mais le grand mal est ce jeu prodigieux qui énerve l'esprit, qui ruine les fortunes, qui précipite dans tant de bassesses, et qui serait encore très-pernicieux quand il n'en résulterait que la perte irréparable du temps.
  4. Il fallait nécessairement que le roi différât, ou qu'il payât le dégât des campagnes.
  5. Toujours de grands exemples pour la postérité.