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PRÉFACE.

qu'elle a entendu dire et de ce qu'elle a vu avec une vérité qui doit détruire à jamais toutes ces impostures imprimées, et surtout les prétendus Mémoires de madame de Maintenon [1], compilés par l'ignorance la plus grossière et par la fatuité la plus révoltante, écrits d'ailleurs de ce mauvais style des mauvais romans qui ne sont faits que pour les antichambres.

Que penser d'un homme qui insulte au hasard les plus grandes familles du royaume, en confondant perpétuellement les noms, les événements :

Qui vous dit d'un ton assuré que « M. de Maisons, premier président du parlement, avec plusieurs conseillers, n'attendaient qu'un mot du duc du Maine pour se déclarer contre la régence du duc d'Orléans » ; tandis que M. de Maisons, qui ne fut jamais premier président, avait arrangé lui-même tout le plan de la régence ;

Qui prétend que la princesse des Ursins, à l'âge de soixante et un ans, avait inspiré à Philippe V, roi d'Espagne, une violente passion pour elle ;

Qui ose avancer que u les articles secrets du traité de Rastadt excluaient Philippe V du trône », comme s'il y avait eu des articles secrets à Rastadt ;

Qui a l'impudence d'affirmer que Monseigneur, fils de Louis XIV, « épousa Mlle Chouin [2] », et rappelle sur cette fausseté tous les contes absurdes imprimés chez les libraires de Hollande ;

Qui, pour donner du crédit à ces contes, cite l'exemple d'Auguste, lequel, selon lui, était amoureux de Cléopâtre.. C'est bien savoir l'histoire !

Voilà par quels gredins la plupart de nos histoires secrètes modernes ont été composées. Quand Mme de Caylus n'aurait servi, par ses Mémoires, qu'à faire rentrer dans le néant les livres de ces misérables, elle aurait rendu un très-grand service aux honnêtes gens amateurs de la vérité.

  1. Mémoires pour servir à l'histoire de madame de Maintenon et à celle du siècle passé, par M. de La Beaumelle, 1755, six volumes in-12. Voyez ce que Voltaire en a dit, tome XXVI, page 161.
  2. Voyez la lettre à d'Argental, du 15 juin 1756.
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