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DE L’EMPEREUR JULIEN.

elle toute la prédilection possible, qu’il en prit un soin particulier, et qu’il négligea pour elle tous les autres peuples de la terre. Moïse, en effet, ne dit pas un seul mot pour expliquer comment les autres nations ont été protégées et conservées par le Créateur, et par quels dieux elles ont été gouvernées : il semble ne leur avoir accordé d’autres bienfaits de l’Être suprême que de pouvoir jouir de la lumière du soleil et de celle de la lune. C’est ce que nous observerons bientôt. Venons actuellement aux Israélites et aux Juifs, les seuls hommes, à ce qu’il dit, aimés de Dieu. Les prophètes ont tenu à ce sujet le même langage que Moïse. Jésus de Nazareth les a imités, et Paul, cet homme qui a été le plus grand des imposteurs[1] et le plus insigne des fourbes, a suivi cet exemple. Voici donc comment parle Moïse[2] : « Tu diras à Pharaon, Israël mon fils premier-né… J’ai dit : Renvoie mon peuple, afin qu’il me serve ; mais tu n’as pas voulu le renvoyer… Et ils lui dirent : Le Dieu des Hébreux nous a appelés, nous partirons pour le désert, et nous ferons un chemin de trois jours, pour que nous sacrifiions à notre Dieu… Le Seigneur le Dieu des Hébreux m’a envoyé auprès de toi, disant : Renvoie mon peuple pour qu’il me serve dans le désert. » Moïse et Jésus n’ont pas été les seuls qui disent que Dieu, dès le commencement, avait pris un soin tout particulier des Juifs, et que leur sort avait été toujours fort heureux. Il paraît que c’est là le sentiment de Paul, quoique cet homme ait toujours été vacillant dans ses opinions, et qu’il en ait changé si souvent sur le dogme de la nature de Dieu : tantôt soutenant que les Juifs avaient eu seuls l’héritage de Dieu, et tantôt assurant que les Grecs y avaient eu part ; comme lorsqu’il dit :[3] « Est-ce qu’il était seule-


    montagneux de la Palestine, où il n’y avait que des ânes ; où la magnificence des fils d’Abimélech était d’avoir chacun un âne ; où le brigand David, à qui l’on a fait l’honneur de l’appeler roi, n’avait pas un âne en propre quand il fut oint ; où le prétendu roi Saül [I. Rois, ix, 3] courait après les deux ânesses de son père quand il fut oint, avant David ! Il eût été à souhaiter que l’empereur Julien eût eu la patience d’entrer dans ces détails. Un homme à sa place n’en a pas le loisir, le catalogue des absurdités était trop immense. (Note de Voltaire.)

  1. Pour peu qu’on lise avec attention les Épîtres de Paul et les Actes des apôtres et ceux de Thècle, on ne trouvera pas les expressions de l’empereur trop fortes. Voici ce que dit de Paul le savant lord Bolingbroke :

    « Quand les premiers Galiléens se répandirent parmi la populace des Grecs et des Romains, etc. » (Note de Voltaire.) – Ici était transcrit en entier tout le chapitre xii de L’Examen important de milord Bolingbroke (voyez tome XXVI, pages 228-232), qu’il est inutile de reproduire.

  2. Exode, ch. iv, v. 22, 23; ch. v, v. 3 ; ch. vii, v. 10. (Note de Voltaire.)
  3. Épître aux Romains, ch. iii, v. 29. (Id).